Il peut apparaĂźtre prĂ©somptueux dâadapter un roman, aussi dense quâUn Roi sans divertissement, en seulement 84 pages, fussent-elles illustrĂ©es. Pourtant, aprĂšs lâadaptation de Nez de cuir de La Varende et la biographie de CĂ©line Le Chien de Dieu, Jacques Terpant et Jean Dufaux peuvent se prĂ©valoir dâune troisiĂšme rĂ©ussite. Copyright 2021 Futuropolis Le pacifiste et panthĂ©iste Jean Giono sâest vu reprocher Ă la LibĂ©ration, injustement, une trop grande proximitĂ© intellectuelle avec Vichy. Sâil reprend la plume, elle sera dĂ©sormais distante et ironique. Le roman sâouvre sur la description lyrique dâun hĂȘtre, personnage central du roman Il y a lĂ un hĂȘtre ; je suis bien persuadĂ© quâil nâen existe pas de plus beau câest lâApollon-citharĂšde des hĂȘtres. Il nâest pas possible quâil y ait, dans un autre hĂȘtre, oĂč quâil soit, une peau plus lisse, de couleur plus belle, une carrure plus exacte, des proportions plus justes, plus de noblesse, de grĂące et dâĂ©ternelle jeunesse âŠ. Le plus extraordinaire est quâil puisse ĂȘtre si beau et rester si simple. Il est hors de doute quâil se connaĂźt et quâil se juge. » Le travail en couleurs directes de Jacques Terpant sur le fameux hĂȘtre, la montagne isĂ©roise, les jeux de lumiĂšre sur la neige ou les tĂąches de sang est magnifique. Le trait rĂ©aliste et les couleurs froides parviennent Ă illustrer, puis Ă remplacer, les longues et riches descriptions chĂšres Ă Giono. Les femmes sont belles, mais, fidĂšle au roman, le visage de Langlois exprime peu de chose, sinon lâamitiĂ© et le sens du devoir. Le capitaine de gendarmerie enquĂȘte sur des disparitions hivernales dans le TriĂšves. Il identifie le meurtrier et le tue. AprĂšs avoir dĂ©missionnĂ©, il sâinstalle au village. RespectĂ© de tous, il conserve ses distances. Ă lâissue dâune battue, il tue un loup. Il se fait Ă©riger un chalet, se marie, puis se tue. Le livre se clĂŽt sur cette Ă©nigmatique sentence Seulement, ce soir-lĂ , il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardĂšrent comme dâhabitude, la petite braise, le petit fanal de voiture, câĂ©tait le grĂ©sillement de la mĂšche. Et il y eut, au fond du jardin, lâĂ©norme Ă©claboussement dâor qui Ă©claira la nuit pendant une seconde. CâĂ©tait la tĂȘte de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de lâunivers. Qui a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres » ? » Ă lâimage de ses amis, le lecteur nâa rien vu venir. Que penser dâune amitiĂ© incapable de prĂ©venir, voire mĂȘme de pressentir, un suicide ? Insondable mystĂšre que celui dâun homme supposĂ© proche. A-t-il Ă©tĂ© fascinĂ© par le tueur quâil traquait ? Par le magnĂ©tisme de la cruautĂ© ? Les diffĂ©rents narrateurs tentent de percer le mystĂšre. Fort habilement, Jean Dufaux ne sâattache pas au schĂ©ma narratif initial, mais rĂ©unit les chroniqueurs en un seul personnage, Giono en personne, qui, aprĂšs avoir Ă©coutĂ© les amis du capitaine, sâinterroge. Chez le moraliste Blaise Pascal, le divertissement est ce qui, en lâabsence dâunion Ă Dieu, rend la vie supportable. Pour oublier notre triste condition mortelle, nous jouons Ă la balle, au risque nous se perdre. La mĂȘme proposition chez le paĂŻen Giono prend une forme dĂ©sespĂ©rĂ©e. Pour se protĂ©ger de la perversitĂ© du mal, la sociĂ©tĂ© a fait de lâassassin et de son bourreau des monstres asociaux. Pourtant, Langlois Ă©tait un homme comme les autres » qui, plus que les autres », sâennuyait⊠StĂ©phane de Boysson Un Roi sans divertissement Dessin Jacques Terpant ScĂ©nario Jean Dufaux, dâaprĂšs lâĆuvre de Jean Giono Ăditeur Futuropolis 64 pages â 17 ⏠Parution 18 aoĂ»t 2021 Un Roi sans divertissement â Extrait Copyright 2021 Futuropolis
Ouencore, « un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres » (169-137), expression dont Jean Giono fera le titre dâun de ses meilleurs romans. LeUn sociologue me classerait dans la catĂ©gorie quantitative des grands lecteurs » ce qui ne signifie pas que je lis bienâŠ. Dâabord, tout petit, jâai contemplĂ© les livres de mes parents qui se sont rencontrĂ©s en mai 68 Ă Toulouse. Pas mal de brĂ»lots des Ă©ditions Maspero et autres du mĂȘme acabit⊠Je les tripotais, saisissant sans doute quâils recelaient des choses considĂ©rables. Plus tard, vint la folie des BD de Gotlib Ă Marvel. Et puis lâadolescence⊠pendant cette pĂ©riode, mes hormones me forcĂšrent Ă oublier la lecture, en dehors des magazines dâactualitĂ©, de l'Equipe et de Rockân Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de lâexigence littĂ©raire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lĂącher. De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothĂšque familiale A quatorze ans, je nâavais aucune culture littĂ©raire classique, mais je savais expliquer les thĂ©ories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui Ă©taient les Tupamaros ». JâĂ©tais en Seconde quand le premier dĂ©clic survint la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment dâavoir goĂ»tĂ© Ă la puissance onirique de la littĂ©rature. Et le dĂ©sir dây retoucher ne mâa jamais quittĂ©. Puis je fus reçu dans une hypokhĂągne de province. La principale tĂąche Ă©tait de lire, Ă foison. Et depuis lors, je nâai plus vĂ©cu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallĂšle" qui sâoffre Ă moi. Lire, câest la libertĂ©. Pas seulement celle que procure lâesprit critique nourri par la lecture, qui Ă tout moment peut vous dĂ©livrer dâun prĂ©jugĂ©. Mais aussi et peut-ĂȘtre surtout lâimpression dĂ©licieuse de se libĂ©rer dâune gangue. Jâimagine que lâOpium doit procurer un ressenti du mĂȘme ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec nâimporte qui, de se glisser dans toutes les peaux et dâĂȘtre la petite souris quâon rĂȘve⊠Adolescent, jâai souvent songĂ© que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissĂ©e au port⊠Et la lecture permet, quelque peu, de sâaffranchir du temps, de lâespace, des Ă©checs , des renoncements et des oublis, des frontiĂšres matĂ©rielles ou sociales, et mĂȘme de la Morale. Je nâemprunte pas. JâachĂšte et conserve les livres, mĂȘme ceux que je ne lis pas jusquâau bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothĂšque personnelle, câest une autre mĂ©moire que celle stockĂ©e dans mon cerveau. Comme la mĂ©moire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre quâon passa trois semaines Ă parcourir. Mais on peut Ă tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup fĂ©rir un souvenir enfoui dans la trappe de lâinconscient. Lire est Ă lâindividu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme une dĂ©pense inutile Ă court terme, sans portĂ©e mesurable, mais dĂ©cisive pour aller de lâavant. Lire un livre, câest long, et câest du temps volĂ© Ă lâagenda Ă©conomique et social qui structure nos vies. Mais quand chacun de nous lit, câest comme sâil ramenait du combustible de la mine, pour Ă©clairer la ville. Toute la collectivitĂ© en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisĂ©s, plus au fait de ce qui a Ă©tĂ© dit, expĂ©rimentĂ©, par les gĂ©nĂ©rations humaines. Le combat pour lâĂ©mancipation a toujours eu partie liĂ©e avec les livres. Je parie quâil en sera ainsi Ă lâavenir. Jâai Ă©tĂ© saisi par l'envie de parler de ces vies parallĂšles. De partager quelques impressions de lecture, de suggĂ©rer des chemins parmi tant dâautres, dans les espaces inĂ©puisables de lâĂ©crit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide. Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vĂŽtres. JĂ©rĂŽme Bonnemaison, Toulouse. Ledocument : "Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres.Blaise Pascal, PensĂ©es, 142. Commentez cette citation." compte 0 mots. Pour le tĂ©lĂ©charger en entier, envoyez-nous lâun de vos travaux scolaires grĂące Ă notre systĂšme gratuit dâĂ©change de ressources numĂ©riques ou achetez-le pour la somme symbolique dâun euro. SociĂ©tĂ© Le confinement est un Ă©vĂ©nement inĂ©dit dont le scrutateur politique peut dâores et dĂ©jĂ tirer une matiĂšre fĂ©conde. Il est en effet possible dâidentifier, sur le masque de la prĂ©occupation sanitaire, de lĂ©gĂšres fissures au travers desquelles lâĆil attentif surprendra peut-ĂȘtre des sursauts inquiĂ©tants. Que nous apprend ce confinement, et oĂč pourrait-il nous mener ? Une premiĂšre chose lâOccident a toujours peur de la mort. Il a cru pouvoir lui passer la camisole des sciences mais lâangoisse est toujours lĂ . Faute dây trouver un sens spirituel, on a multipliĂ© les outils, les chiffres, les statistiques, les mĂ©dicaments, les opĂ©rations, bref, tout ce qui laissait penser que la faucheuse Ă©tait sous bon contrĂŽle mĂ©dicalisĂ©. Pourtant les Ă©pidĂ©mies sâinvitent toujours dans cet univers dĂ©sinfectĂ© et empaquetĂ© de normes, se permettant mĂȘme le luxe dâemprunter toutes ces frontiĂšres non plus ouvertes mais bĂ©antes dont lâeffacement Ă©tait synonyme de libertĂ©. Avec le Covid-19, lâangoisse est revenue, gĂȘnante, glissante, insaisissable. Puisque la mort sâinvite jusquâĂ bousculer chaque soir nos informations tĂ©lĂ©visĂ©es, puisquâelle doit sâaccepter faute dâune maĂźtrise immĂ©diate de lâĂ©pidĂ©mie, il faut lui trouver un responsable plus accessible que le nĂ©ant lui-mĂȘme. Lâenvie de pĂ©nal Philippe Muray 1945 â 2006 Le MaĂźtre moqueur Philippe Muray nous a bien expliquĂ© que lâintrusion du nĂ©gatif dans le monde de la post-histoire, bien que cloisonnĂ© Ă grand renfort de positivitĂ© et de scientisme, dĂ©clenchait en retour des chasses Ă lâhomme. Il faut bien condamner celui qui ruine les espĂ©rances dâun monde en rose. Voici quâune filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pĂ©nal, pour reprendre les mots de lâauteur, se rĂ©pand sur les ondes, les Ă©crans, dans les rues dĂ©sertĂ©es. Qui donc ne respecte pas le confinement ? Quel citoyen irresponsable met en pĂ©ril la vie des autres ? Quel meurtrier anonyme se cache sous ce nausĂ©eux motif de promenade journaliĂšre ? Ouvrez lâĆil ! Câest donc lâĆil bien ouvert que nous assistons Ă la multiplication de scĂšnes guignolesques dont le ridicule pourrait presque nous faire oublier leurs contours venimeux. Faut-il en citer quelques-unes ? Ainsi une propriĂ©taire de chevaux est-elle verbalisĂ©e pour leur avoir portĂ© de lâeau, quand un cycliste Ă©cope de la mĂȘme correction pour avoir fait ses courses sans avoir songĂ© Ă prendre sa voiture. Faut-il dĂ©crire encore cette incroyable saynĂšte des gendarmes rencognĂ©s derriĂšre un bosquet de buis, perdus au sommet dâun vaste plateau calcaire et dĂ©sert et pourtant bien compris dans le rayon autorisĂ© dâun kilomĂštre, le bourg Ă©tant juste au-dessous, attendant de dĂ©busquer les rares promeneurs, qui, une fois hĂ©lĂ©s, sâĂ©chapperont Ă toute allure pour se rĂ©fugier dans la forĂȘt ? Câest Ă peine envisageable en dehors dâun théùtre de boulevard. Flou rĂ©glementaire total, imbroglios garantis. Voici quâune filature toute neuve se dessine. Une furieuse envie de pĂ©nal, pour reprendre les mots de Muray, se rĂ©pand sur les ondes, les Ă©crans, dans les rues dĂ©sertĂ©es. » Acrimonie Ă©galitaire Ce qui prĂȘterait moins Ă sourire, câest que ce rĂ©gime dâexception est justifiĂ© par des vellĂ©itĂ©s prĂ©tendument Ă©galitaires. Ainsi, un citoyen nâayant aucune chance de contaminer quiconque sera tout de mĂȘme pointĂ© du doigt sâil dĂ©sobĂ©it. Entendez-vous ? Alors que tant se mobilisent » enfermĂ©s chez eux, dans les villes, un provincial sâautoriserait Ă faire une petite marche de deux heures autour de chez lui, sur le Causse Noir ? OĂč serait lâesprit de solidaritĂ© ? De tels narcissismes vous dĂ©sespĂšrent. Cela nous rappelle que la loi reste une abstraction. Aussi, cet homme qui nage esseulĂ©, la mer Ă©tant son unique ruelle, voit-il arriver dare-dare pas moins de quatre policiers en bateau, chacun risquant, au passage, sa santĂ©. Oui on ne nage » pas, Monsieur, mĂȘme en pleine mer Ă six heures du matin. Ici commence lâeffritement des libertĂ©s non matĂ©rielles lâaccĂšs Ă lâeau, lâair, la nature. LâidĂ©e que de se promener dans une rue avec une densitĂ© de trois-cents habitants au kilomĂštre carrĂ© demeure moins subversif quâune petite marche isolĂ©e sur un terrain oĂč ne passent que trois personnes dans la journĂ©e â distances de sĂ©curitĂ© en sus â ne semble choquer aucune autoritĂ©. Reste que lâĂtat peut compter sur le renfort spasmodique de la jalousie et de sa cousine, la dĂ©lation. Le vieillard au visage travaillĂ© par le soleil, assis prĂšs dâun Ă©tang infrĂ©quentĂ©, sommĂ© de rentrer ses canes, sa portion quotidienne de soleil arrachĂ©e, voilĂ qui interroge. Que fait-on du discernement ? Pourtant, la passion de la traque et de la vigilance pourrait tout autant opĂ©rer une singuliĂšre virevolte au mĂ©pris des contradictions. La fin du confinement risque en effet dâĂȘtre particuliĂšrement nausĂ©abonde si ceux du front » sâĂ©charpent avec ceux de lâarriĂšre » ; les planquĂ©s. Chacun ira de sa justification qui aura pris des risques au travail, qui aura souffert chez lui de la solitude, vigilant, se dĂ©passant lors dâun tĂ©lĂ©travail plus intense encore que le bureau⊠La petite bataille des justifications et des Ă©gos pointe dĂ©jĂ Ă lâhorizon. De sordides rĂ©flexes qui mĂšneront les deux types de hĂ©ros » du sanitaire dans la gueule du loup, chacun sâefforçant de dĂ©montrer sa participation et son utilitĂ© pour le systĂšme dans une pitoyable et aride soif de reconnaissance. On entend bien faire respecter lâordre dont la lĂ©gitimitĂ© chancelante peine Ă se maintenir sur le socle des ratĂ©s accumulĂ©s depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie. » La guerre câest la paix et la paix câest la guerre⊠les discours changent du jour au lendemain, câest une grippe ; non, câest trĂšs dangereux ; il faut rester chez soi pour aller travailler ; ceux qui se confinent ont raison ; mais ceux qui travaillent car ils nâont pas le choix sont des hĂ©ros ; quand ceux qui travaillent pour simplement travailler sont suspects⊠tout sâannule, se remplace, se succĂšde dans une agitation militante, poil bien hĂ©rissĂ©. Ăa remue, ça gesticule. On entend bien faire respecter lâordre dont la lĂ©gitimitĂ© chancelante peine Ă se maintenir sur le socle des ratĂ©s accumulĂ©s depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie. Si cette pantomime autoritaire nous est annoncĂ©e comme Ă©phĂ©mĂšre, les rebondissements constatĂ©s laissent comprendre quâaucune libertĂ© acquise nâest imprenable. Quelle est la pente ? Quel est le gouffre ? Nouvelles castes, nouveaux militants Jean Giono 1895 â 1970 Suivant lâenseignement de Pascal repris par un Giono dĂ©sabusĂ©, Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. Dans ce rĂ©gime dâexception, difficile pour lâhomme blasĂ©, engluĂ© depuis de trop longues annĂ©es dans le tiĂšde train-train quotidien, de rĂ©sister Ă une occasion si attrayante de revĂȘtir le costume du hĂ©ros Ă qui revient lâhonneur dâadoucir la pente de la courbe et dâamortir le gouffre des chiffres. Ă ce guerrier convaincu de son importance, revient, pour le salut de tous, la noble mission de traquer sans relĂąche toute forme dâinsoumission et de laisser-aller. Pensons dâabord au lanceur dâalerte. HorrifiĂ© par les nouvelles chinoises et transalpines et muni de solides connaissances en statistiques, il redouble dâabnĂ©gation pour ouvrir les yeux Ă des autoritĂ©s peu emballĂ©es sur la nĂ©cessitĂ© de confiner la population. Parti pour des mois de veille attentive, il sâassure, le regard inquiet, quâaucune donnĂ©e rĂ©fractaire ne viennent entacher cette catastrophe si rigoureusement modĂ©lisĂ©e par ses soins. Il lui serait bien regrettable de constater une augmentation trop faible du taux de mortalitĂ© sur lâensemble de la population ; une trop faible incidence sur le pic Ă©pidĂ©mique dâun respect approximatif du confinement par ces français sempiternellement lĂ©gers, incurablement irresponsables ; ou, pire, quâaucun chiffre significativement alarmant ne ressorte de pays ayant adoptĂ© des mesures plus souples. Il serait absolument inadmissible que des voix pourtant expertes et reconnues â comme le Professeur Raoult â pussent tempĂ©rer les ardeurs sanitaires, montrer lâexistence dâĂ©lĂ©ments rassurants, et de relativiser certaines prĂ©dictions affolantes eut Ă©gard Ă lâhistoire. Notons toutefois que, sans lâappui dâune opiniĂątre armĂ©e civique, notre lanceur dâalerte ne serait quâune goutte dâeau dans lâocĂ©an. Alors quâon dĂ©sespĂ©rait, les liens de voisinage et de quartier marquent leur grand retour. Saluons ces confinĂ©s vigilants haranguant depuis leur balcon cette mĂšre de famille qui est dĂ©jĂ sortie durant la matinĂ©e, ces clients prĂ©voyants sermonnant ce jeune homme dĂ©sinvolte qui ne sort que pour acheter une misĂ©rable baguette de pain, sans oublier ces citoyens prĂ©venants nâhĂ©sitant plus Ă relayer sur les rĂ©seaux sociaux ces photos de familles se promenant â seules pourtant â le visage dĂ©couvert, lâair encore trop guilleret. DĂ©bordĂ©e, la pauvre mairie du XXe arrondissement de Paris, se voit contrainte Ă appeler au discernement ces innombrables dĂ©lateurs. Sâengouffrant dans la brĂšche, une clĂ©ricature scientifique prend le pouvoir et impose un niveau jamais connu de contrĂŽle social. Dâun air suffisant et solennel, les gardiens dĂ©signĂ©s de la vĂ©ritĂ© dĂ©crĂštent, Ă un public retenant son souffle et suspendu Ă leurs lĂšvres, les mesures irrĂ©futables qui amortiront la chute et rĂ©tabliront lâharmonie. Quand confiner ? Ă quelle frĂ©quence ? Combien dâannĂ©es ? On apposera la marque â sera-t-elle effaçable ? â sur des citoyens reconnus positif qui seront dĂšs lors tracĂ©s, surveillĂ©s, encerclĂ©s. Qui peut rester avec qui ? Qui incarcĂ©rer en isolement ? Qui peut voir qui ? Et oĂč ? Et pourquoi ? Et comment ? Et Ă quelle distance ? LâĂąge sanitaire est arrivĂ© Le terrain est dĂ©sormais dĂ©frichĂ© pour quâune tyrannie sanitaire sâimplante. Lorsque la santĂ© publique est en jeu et que les personnes les plus vulnĂ©rables sont exposĂ©es, un collĂšgue un peu ronchon sera fĂ©rocement admonestĂ© par son Ă©quipe sâil souligne quâun dĂ©cret pondu en quelques jours aura suffi pour Ă©brĂ©cher un code du travail. Dans la mĂȘme veine, une personne critiquant son entreprise qui, aprĂšs avoir mis ses salariĂ©s au chĂŽmage partiel, leur demanderait de continuer Ă produire en tĂ©lĂ©travail, sera impitoyablement taxĂ©e dâĂ©goĂŻste par son entourage. BardĂ©e de courage et dĂ©sintĂ©ressĂ©e, dĂ©pourvue de la peur dâĂȘtre frappĂ© par la mort, cette componction sera sans aucun doute renouvelĂ©e pour un Ă©vĂ©nement â une canicule pendant les congĂ©s estivaux, par exemple â dont le taux de mortalitĂ© est de 0% pour la jeunesse sĂ©millante. Les applaudissements persisteront pour des tragĂ©dies moins spectaculaires â sans grande messe mĂ©diatique avec dĂ©compte quotidien de victimes â et aux consĂ©quences rĂ©ellement dramatiques â hĂŽpitaux saturĂ©s, personnel soignant dĂ©bordĂ©. Dans un proche avenir, le confinement pourrait rĂ©vĂ©ler au grand jour des dĂ©gĂąts imprĂ©vus foyers esseulĂ©s, privĂ©s de leur gagne-pain, affaiblis, angoissĂ©s et encore plus vulnĂ©rable aux infections, voire affamĂ©s. Lâheure de remettre le nez dehors approche pour nos hĂ©ros du confinement. Au nom de la fraternitĂ© avec les victimes du confinement, il faudra bien se sacrifier et retourner au travail. Dans un futur plus lointain, la distanciation sociale pourrait se pĂ©renniser et sonner ainsi le glas pour la sĂ©culaire sensualitĂ© latine. Certaines coutumes comme la bise Ă la collĂšgue et les poignĂ©es de main au chantier pourraient ĂȘtre relĂ©guĂ©es aux oubliettes. Quant Ă partager une assiette de charcuterie entre amis ou Ă trinquer aprĂšs une journĂ©e harassante nây pensons plus. Mais tout ça pour quoi ? En demandant aux sportifs parisiens de respecter des horaires spĂ©cifiques pour sâaĂ©rer et entretenir leur santĂ© sans pour autant nuire au confinement, Anne Hidalgo met le doigt sur le nĆud gordien du problĂšme il sâagit de respecter le confinement avant sa santĂ© et son Ă©quilibre propre. Revenons Ă notre scrutateur politique ne pourrait-il pas observer que le confinement finisse par nuire Ă la santĂ© globale ? Dans un proche avenir, le confinement pourrait rĂ©vĂ©ler au grand jour des dĂ©gĂąts imprĂ©vus foyers esseulĂ©s, privĂ©s de leur gagne-pain, affaiblis, angoissĂ©s et encore plus vulnĂ©rable aux infections, voire affamĂ©s. » Devant des citoyens apeurĂ©s et prĂȘt Ă collaborer, lâĂtat nâaura plus quâĂ cueillir les fruits serviles de la mobilisation citoyenne contre le Covid-19 » pour instaurer sa dĂ©mocratie sanitaire. Tout est prĂȘt pour ne plus bouger de chez soi sâil le faut tĂ©lĂ©travail, Ă©missions prĂ©sentĂ©es depuis le domicile, sport connectĂ©, apĂ©ros virtuels. On ne plonge pas tout de suite une grenouille dans lâeau bouillante. Ă condition de garder le sourire, tout se passera bien dans lâentreprise connectĂ©e. Se promener sera un jeu dâenfant il suffira, les yeux rivĂ©s sur le tĂ©lĂ©phone intelligent, de respecter au millimĂštre le pĂ©rimĂštre autorisĂ©. LâĂ©tat sanitaire, le maternage autoritaire, dessinent peut-ĂȘtre les lendemains dâune sociĂ©tĂ© toujours plus propre ». Se mobiliser dans un monde vide est un luxe lâessentiel est dây croire. en collaboration avec TaĂŻ-Thot Desserts Attention au relĂąchement lâinfantilisation de masse comme stratĂ©gie politique » sur la revue Frustration Sur Le Comptoir Coronavirus la maladie du monde malade » Mais aussi Coronavirus Le monde dâaprĂšs ne sera pas dĂ©croissant » Et Ă©galement Rions avec les conseils confinement » du gouvernement » Unroi sans divertissement. Collection Blanche , Gallimard. Parution : 28-01-1948. Une pensĂ©e vieille comme le monde, sur laquelle ont brodĂ© Montaigne, Bossuet et La
Un Roi sans divertissement 1947 de Jean Giono le sens du roman Questions de lâexaminateur -Quel sens donne Giono au titre Un roi sans divertissement dans son roman ? -En quoi la derniĂšre partie donne t-elle du sens au roman ? -En quoi le lecteur doit-il faire un travail dâinterprĂ©tation pour comprendre le sens du roman ? -Quel sens donne Giono au titre Un roi sans divertissement dans son roman ? Jean Giono nous donne un titre Ă©nigmatique, le lecteur ne comprend pas dĂšs le dĂ©but le sens dâ Un roi sans divertissement. Câest au fur et a mesure du texte que le sens sâĂ©claircie, jusquâĂ lâexplication de lâauteur a la fin du roman. En effet, Un roi sans divertissement renvoie Ă la phrase qui clĂŽt le roman Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres », cette phrase est tirĂ©e aux PensĂ©es de Pascal. -En quoi la derniĂšre partie donne t-elle du sens au roman ? La derniĂšre partie est fondamentale pour comprendre le sens du texte de Giono, câest dans lâexcipit que Langlois dĂ©voile sa fascination pour le sang et la mort. Lors de la battue au loup il execute lâanimal de la mĂȘme façon que le tueur MV dans la premiĂšre partie Langlois lui tira deux coups de pistolet », ce qui sâapparente pour le lecteur a un rituel. Langlois suite a la battue demande Ă©galement a Anselmie de lui Ă©gorger une oie coupe lui la tĂȘte » par pur plaisir de regarder son sang couler sur la neige. Ce sont câest deux Ă©lĂšments qui ont en majoritĂ© donner sens au roman. -En quoi le lecteur doit-il faire un travail dâinterprĂ©tation pour comprendre le sens du roman ? Giono a volontairement Ă©crit un texte qui nâinforme pas le lecteur dĂšs la premiĂšre lecture. Un travail dâinterprĂ©tation est donc nĂ©cessaire pour comprendre le sens du roman ainsi que le suicide de Langlois a la fin de lâĆuvre. Il lâa tenue par les pattes. Eh bien il lâa regardĂ©e saigner dans la neige. » Giono dans cette phrase ne dĂ©crit pas clairement les sentiments de Langlois, câest aux lecteurs de comprendre que Langlois a un goĂ»t pour le sang et la mort, et quâil rĂ©alise quâil devient comme
ContexteLes PensĂ©es sont un ensemble de textes publiĂ© de façon posthume. Certains dâentre eux font partie dâun vaste projet de livre lâApologie de la religion chrĂ©tienne. Pascal commence Ă rĂ©diger ses premiers textes en 1656, Ă lâĂ©poque oĂč il publie les Provinciales, un roman Ă©pistolaire qui prend la dĂ©fense de la doctrine jansĂ©niste contre la pensĂ©e jĂ©suite. La doctrine jansĂ©niste, inspirĂ©e des Ă©crits de lâun des pĂšres de lâĂglise, saint Augustin, nie la libertĂ© de lâHomme. Celui-ci est en effet vouĂ© au pĂ©chĂ©, et seule la grĂące divine est en mesure de le sauver. Au contraire, les jĂ©suites estiment que lâHomme peut se dĂ©tourner du pĂ©chĂ© en exerçant son libre-arbitre. Pascal travaille Ă son Ćuvre jusquâĂ sa mort, en 1662. LâĂ©dition moderne rĂ©tablit lâordre original voulu par lâauteur. Les PensĂ©es, bien que disparates, constituent une rĂ©flexion approfondie sur la morale et la chrĂ©tientĂ©, et sont considĂ©rĂ©es aujourdâhui comme un classique de la littĂ©rature religion La dĂ©fense de la chrĂ©tientĂ© et plus prĂ©cisĂ©ment du catholicisme est au cĆur des PensĂ©es. Pascal sâadresse aux libertins, aux athĂ©es et aux jĂ©suites dans une optique argumentative il sâagit de les convaincre de la supĂ©rioritĂ© du raison Pascal oppose la raison aux passions. La raison est considĂ©rĂ©e comme lâapanage de lâhomme, et comme un moyen de connaĂźtre Dieu. Elle est cependant limitĂ©e, et le sentiment est tout aussi important. Le cĆur a ses raisons que la raison ne connaĂźt point. »Le divertissement Le divertissement est compris comme un moyen de se dĂ©tourner de soi et de la conscience de la mort. La condition humaine est en effet considĂ©rĂ©e comme intrinsĂšquement malheureuse, quelles que soient les circonstances et le statut social. Câest pourquoi un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres ».RĂ©sumĂ©Les PensĂ©es suivent une Ă©bauche de plan, et les Ă©ditions modernes distinguent diffĂ©rentes parties selon les pĂ©riodes dâĂ©criture et les thĂ©matiques abordĂ©es. Au long de ce recueil, Pascal aborde de nombreux sujets. Il sâagit essentiellement dâun questionnement moral et religieux, oĂč il rĂ©flĂ©chit Ă la nature de lâHomme, ce monstre incomprĂ©hensible », Ă la nature de Dieu et de la relation entre Dieu et lâHomme. Ce recueil est aussi lâoccasion dâanalyser lâorganisation de la sociĂ©tĂ©. LâĂ©dition Ă©tablie en 1976 par Philippe Sellier est dĂ©sormais considĂ©rĂ©e comme lâĂ©dition de rĂ©fĂ©rence. Elle est divisĂ©e en cinq parties rangĂ©es par ordre chronologique. PremiĂšre partie le projet de juin 1658 Cette premiĂšre partie, la plus longue et la plus complĂšte, pose les bases de la philosophie pascalienne. Le doute est au cĆur de sa pensĂ©e, devant le constat de la part inconnaissable de lâhomme, du monde, et de Dieu. Il y aborde des thĂ©matiques typiques de sa rĂ©flexion, par exemple celle du divertissement, conçu comme seule maniĂšre dâĂ©chapper au vide inhĂ©rent Ă lâexistence humaine. Les hommes nâayant pu guĂ©rir la mort, la misĂšre, lâignorance, ils se sont avisĂ©s, pour se rendre heureux, de nây point penser. » DeuxiĂšme partie les dossiers mis Ă part en juin 1658 Cette partie aborde notamment le thĂšme des miracles. Ceux-ci seraient au fondement du dĂ©sir de Pascal dâĂ©crire un livre, aprĂšs avoir Ă©tĂ© tĂ©moin de la guĂ©rison miraculeuse de sa niĂšce, Marguerite Perrier. Cet Ă©vĂ©nement renouvelle et renforce sa foi, mais il finit par juger lâargument du miracle insuffisant pour convertir les athĂ©es. TroisiĂšme partie les derniers dossiers de PensĂ©es mĂȘlĂ©es » Pascal y poursuit sa dĂ©fense de la religion. Mais la pensĂ©e religieuse de Pascal se veut avant tout fondĂ©e sur la raison et lâintelligence. Chez lui, la foi est une dĂ©marche raisonnĂ©e. La raison nous commande bien plus impĂ©rieusement quâun maĂźtre ; car en dĂ©sobĂ©issant Ă lâun on est malheureux et en dĂ©sobĂ©issant Ă lâautre on est un sot. » QuatriĂšme partie les dĂ©veloppements de juillet 1658 Ă juillet 1662 Au dĂ©but de cette partie, on trouve le dĂ©veloppement de ce quâon appelle le pari pascalien ». Pascal y expose lâidĂ©e que lâon a tout Ă gagner en croyant en Dieu, et tout Ă perdre en nây croyant pas. Vous avez deux choses Ă perdre le vrai et le bien, et deux choses Ă engager votre raison et votre volontĂ©, votre connaissance et votre bĂ©atitude ; et votre nature a deux choses Ă fuir l'erreur et la misĂšre. Votre raison n'est pas plus blessĂ©e, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nĂ©cessairement choisir. VoilĂ un point vidĂ©. Mais votre bĂ©atitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hĂ©siter. » Dans cette partie, Pascal dĂ©veloppe Ă©galement des rĂ©flexions sur le peuple juif tel quâil est dĂ©crit et prĂ©sentĂ© par la Bible. Enfin, des citations de lâAncien Testament sont compilĂ©es et traduites par lâauteur. CinquiĂšme partie les fragments non enregistrĂ©s par la seconde copie Cette derniĂšre partie est composĂ©e de divers textes aux thĂ©matiques variĂ©es, sans rĂ©elle Mais, malheureux que nous sommes, et plus que sâil nây avait point de grandeur dans notre condition, nous avons une idĂ©e du bonheur et ne pouvons y arriver, nous sentons une image de la vĂ©ritĂ© et ne possĂ©dons que le mensonge, incapables dâignorer absolument et de savoir certainement, tant il est manifeste que nous avons Ă©tĂ© dans un degrĂ© de perfection dont nous sommes malheureusement dĂ©chus. » Le projet de juin 1658, ContrariĂ©tĂ©s » La derniĂšre dĂ©marche de la raison est de reconnaĂźtre quâil y a une infinitĂ©s de choses qui la surpassent. Elle nâest que faible si elle ne va jusquâĂ connaĂźtre cela. » Le projet de juin 1658, Soumission et usage de la raison » Nous connaissons lâexistence de lâinfini, et ignorons sa nature, parce quâil a Ă©tendue comme nous, mais non pas des bornes comme nous. Mais nous ne connaissons ni lâexistence ni la nature de Dieu, parce quâil nâa ni Ă©tendue, ni bornes. » Les dĂ©veloppements de juillet 1658 Ă juillet 1662, Discours de la machine » Le sentiment de la faussetĂ© des plaisirs prĂ©sents et lâignorance de la vanitĂ© des plaisirs absents cause lâinconstance. » Le projet de juin 1658, MisĂšre »