Litem « RARE Affiche Mai 68 Sois jeune et tais toi avec l’ombre de De Gaulle 60x80cm » est en vente depuis le lundi 9 avril 2018. Il est dans la catĂ©gorie « Art, antiquitĂ©s\Art du XXe, contemporain\Affiches, posters ». Le vendeur est « eklektikos-polyhedra » et est localisĂ© Ă /en BARON, Languedoc-Roussillon. Cet article peut ĂȘtre livrĂ© partout dans le monde.

Sois jeune et tais-toi Reproduction d’une affiche rĂ©alisĂ©e par des Ă©tudiants 1968 Source Beaux-Arts de Paris En 1968, plusieurs pays industrialisĂ©s sont touchĂ©s par des mouvements de contestation. En France, trois crises vont se superposer au cours du mois de mai 1968. La rĂ©volte Ă©tudiante dĂ©bute Ă  la Sorbonne pour s’étendre ensuite partout Ă  Paris. Le 13 mai 1968, la crise devient sociale avec le mot d’ordre de grĂšve gĂ©nĂ©rale qui circule. Finalement, la crise politique de la Vᔉ RĂ©publique culmine avec les Ă©lections lĂ©gislatives Ă  la fin du mois. Mai 68 marque toute une gĂ©nĂ©ration. La rĂ©volte de la jeunesse Ă©tudiante parisienne gagne ensuite le monde ouvrier et se rĂ©pand sur tout le territoire français. L’esprit de Mai 68 reste ainsi associĂ© Ă  un vaste dĂ©sir de changer l’ordre Ă©tabli, en France comme ailleurs. La contestation est caractĂ©risĂ©e par l’union des revendications ouvriĂšres avec la remise en question de grands courants intellectuels. De plus, les Ă©vĂ©nements de Mai 68 en France transcendent les frontiĂšres nationales. Mai 68 devient rapidement un symbole de la transformation de la sociĂ©tĂ© postmoderne. Par François DroĂŒin; version rĂ©visĂ©e le 13 mai 2019.

Dansles salles italiennes, quelques toiles sont Ă  terre ou retournĂ©es ; Gastone Novelli a inscrit au verso de l'une de ses Ɠuvres consacrĂ©es au Vietnam : "La Biennale Ăš fascista." "Sois jeune et tais-toi !" : les affiches de Mai-68, bouillonnement crĂ©atif. Si
PostĂ© le sois jeune et tais toi DerniĂšre-nĂ©e de notre sĂ©rie Images Ă  lire », la vidĂ©o Sois jeune et tais-toi » dĂ©crypte les affiches cĂ©lĂšbres des Ă©vĂ©nements de mai 68. EmblĂšme des Ă©tudiants et de la lutte ouvriĂšre, ces affiches simples avaient le mĂ©rite d’ĂȘtre efficaces. DĂ©couvrez la vidĂ©o pour en apprendre plus sur la censure Ă  la libertĂ© d’expression sous le gouvernement gaulliste.

Protest! - Livre - Protest ?! explore l'univers graphique des affiches créées par les mouvements contestataires de 1968 à 1973. Six années d'une intense agitation politique et sociale, marquées, en France, par les mouvements étudiants et ouvriers de Mai 68, aux Etats-Unis, par la poursuite des luttes des minorités, les manifestations contre la guerre du Vietnam, la montée du

Provocateurs, drĂŽles ou poĂ©tiques, les slogans qui ont fleuri sur les murs parisiens en mai 68 ont contribuĂ© Ă  son mythe. De nombreuses formules nĂ©es Ă  ce moment-lĂ  se retrouvent Ă  l’identique ou de façon dĂ©tournĂ©e sur les banderoles des mouvements sociaux actuels. Les origines ÉlaborĂ©es dans diffĂ©rents ateliers, dont ceux des Beaux-Arts parisiens, les affiches de mai 68 Ă©taient souvent rĂ©alisĂ©es Ă  la demande des travailleurs par les artistes. Cinquante ans plus tard, ces slogans appartiennent Ă  la culture populaire faisant appel Ă  l’imaginaire collectif, autant ludiques que rassembleurs. D’inspiration absurde pour les graffitis, comportant des jeux de mots, des oxymores ironiques ou surrĂ©alistes, chaque formule Ă©tait pensĂ©e en lien avec une actualitĂ© de la grĂšve gĂ©nĂ©rale de mai 68. Touchant toutes les gĂ©nĂ©rations, leur utilisation rĂ©currente dĂ©note pour certains de l’immobilisme des syndicats, du fantasme de faire renaĂźtre un nouveau mai 68 ou de faire croire que le combat est toujours majoritaire. Depuis mai 1968, les mouvements militants ont Ă©voluĂ©. MĂȘme si les prospectus, les banderoles et les affiches restent importants, le tĂ©lĂ©phone portable et les rĂ©seaux sociaux sont devenus prĂ©pondĂ©rants. Ils permettent de mobiliser, communiquer et diffuser des messages sur Internet, notamment ceux de slogans de mai 68 revisitĂ©s ou repris Ă  l’identique, 50 ans plus tard ! Quelques slogans de mai 1968 Ce n’est qu’un dĂ©but, continuons le combat ! » Comment peut-on penser librement Ă  l’ombre d’une chapelle ? » Cours, camarade, le vieux monde est derriĂšre toi » Élections, piĂšge Ă  con » A cause de l’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale, demain est annulĂ© » PlutĂŽt la vie » Seule la vĂ©ritĂ© est rĂ©volutionnaire » La rĂ©volution c’est quand l’extraordinaire devient quotidien La police s’affiche aux beaux-arts » Je ne veux pas perdre ma vie Ă  la gagner » Sois jeune et tais-toi! » Il est interdit d’interdire ! »auteur Jean Yanne L’imagination au pouvoir ! » La beautĂ© est dans la rue » Mon corps est Ă  moi » La police vous parle tous les soirs Ă  20h » [ORTF]; L’information libre La police Ă  l’ORTF. C’est la police chez vous » Écrivez partout » La voix de son maĂźtre La volontĂ© gĂ©nĂ©rale contre la volontĂ© du gĂ©nĂ©ral ! » Ne travaillez jamais » La libertĂ© est le crime qui contient tous les crimes. C’est notre arme absolue ! » Consommez plus vous vivrez moins » Non Ă  l’association capital travail » Jouissez sans entraves » Jouir sans entraves, vivre sans temps mort » Sous les pavĂ©s, la plage Cache-toi, objet ! » Paris, soulĂšve-toi avec rage et joie » On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance » Prenez vos dĂ©sirs pour des rĂ©alitĂ©s ! » Sous les pavĂ©s, la plage ! » Soyez rĂ©alistes, demandez l’impossible. »Auteur Ernesto Che Guevara Tout est politique » Les cadences accĂ©lĂšrent, le chĂŽmage aussi » Les Beaux-arts sont fermĂ©s, mais l’art rĂ©volutionnaire est nĂ© » Faites l’amour, pas les magasins » Non aux bidon villes, non aux villes-bidons » La chienlit, c’est lui ! » Ne soyez pas des moutons » Tout pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument » Fermons la tĂ©lĂ©, Ouvrons les yeux » Quand les parents votent, les enfants trinquent » On ne peut plus dormir tranquille lorsqu’on a une fois ouvert les yeux » Nous sommes tous des enragĂ©s ! » Nous sommes tous des Juifs et des Allemands ! » Ne nous laissons pas bouffer par les politicards et leur dĂ©magogie boueuse » Non Ă  L’État policier ! » La barricade ferme la rue mais ouvre la voie » Laissons la peur du rouge aux bĂȘtes Ă  cornes » La Sorbonne est Ă  nous ! » Mur blanc = Peuple muet » La police avec nous ! » Êtes-vous des consommateurs ou des participants ? » Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs. » MĂ©tro-boulot-dodo »Auteur Pierre BĂ©arn Faites l’amour pas la guerre !
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1 Les 4 premiĂšres affiches montrent que de Gaulle et puissance et que faut qu’on vote pour lui. Dans la derniĂšre image on aperçoit sois jeune et tais-toi sa nous montre qu’il donne des ordres et qu’on ne peut pas faire tous ce qu’on veut. 2) On peut reconnaitre de Gaulle grĂące a le gros nez et le chapeau, sa posture A l’occasion du cinquantenaire de Mai 1968, les Archives dĂ©partementales des Landes souhaitent faire partager un ensemble de documents iconographiques relatifs Ă  cet Ă©vĂ©nement oĂč l’imagination fut au pouvoir» et oĂč la crĂ©ation fut l’engagement d’un groupe, le rĂ©sultat d’un acte collectif. La mĂ©moire collective de Mai 68 est largement liĂ©e aux affiches produites par l’École des Beaux-Arts de Paris rebaptisĂ©e l’Atelier populaire Ă  partir du 14 mai par ses Ă©tudiants et ses enseignants. Les Ă©tudiants des Beaux-Arts Ă©taient sollicitĂ©s par des manifestants, grĂ©vistes et contestataires venus de la France entiĂšre pour leur commander des affiches. Chaque soir, un comitĂ© validait les sujets, slogans et graphismes, imprimĂ©s ensuite dans la nuit. AprĂšs une intense pĂ©riode d’activitĂ©, l’Atelier populaire est contraint de fermer ses portes. Le 27 juin, vers 4 heures du matin, les gardes mobiles occupent l’École des Beaux-Arts ; l’Atelier populaire est fermĂ© Ă  5 heures. Une derniĂšre affiche verra le jour dans la foulĂ©e elle dĂ©clare La police s’affiche aux Beaux-Arts, les Beaux-Arts affichent dans la rue». Les affiches de Mai 68 sont caractĂ©risĂ©es par de larges aplats noirs et rouges, comme dans un pochoir. Cet effet est dĂ» Ă  la technique utilisĂ©e la sĂ©rigraphie. Rapide et souple, elle a pu permettre de tirer jusqu’à 2000 affiches par jour. Ces sĂ©rigraphies sont le reflet de la rencontre de l'art et de la politique et tĂ©moignent des grandes Ă©volutions sociales et culturelles. Cette collection de dix-neuf affiches, conservĂ©e dans les fonds des Archives dĂ©partementales, a Ă©tĂ© rassemblĂ©e au cours de diffĂ©rents achats rĂ©alisĂ©s par le DĂ©partement des Landes en 2008. Marseilles France Cette affiche montrant le gĂ©nĂ©ral de Gaulle muselant la bouche d'un jeune homme fait partie d’un lot de 76 affiches rĂ©alisĂ©es entre mai et juin 1968 par l'Atelier populaire Comme chaque annĂ©e DorothĂ©e Blanck Ă©tait au festival du court-mĂ©trage qui s'est tenu pendant une semaine Ă  Trouville dĂ©but septembre. Elle y est un peu chez elle, mais surtout, d'annĂ©e en annĂ©e, elle s'y affirme comme la muse prĂ©fĂ©rĂ©e de tout jeunes artistes passionnĂ©s par le cinĂ©ma et qui trouvent incarnĂ©es, dans sa chevelure argent, son sourire et ses beaux yeux las, les traces de grands aĂźnĂ©s que sont Jacques Demy, AgnĂšs Varda, Alain Resnais. Regardez-la dans A tous mes Jules d'Emilie Rosas mon prĂ©fĂ©rĂ© pour le moment - il faut aller sur le site du festival, onglets Films > Kino > 2011 et scroller la liste des kinos - DorothĂ©e raconte sur son blog que grĂące Ă  cette photo magnifique de Tristan Jeanne-ValĂšs, accrochĂ©e dans le hall oĂč se rencontrent les festivaliers, elle a Ă©tĂ© engagĂ©e cette annĂ©e pour jouer dans 7 des 67 petits films kinos rĂ©alisĂ©s et montĂ©s sur place par de jeunes rĂ©alisateurs. C'est Ă©norme, cela demande une Ă©nergie folle ! DorothĂ©e se plaint juste de ne pas avoir eu la force d'assister Ă  toutes les projections et manifestations, le soir ! Les 7 cinĂ©astes 5 femmes, 2 hommes qui ont fait tourner DorothĂ©e en cette fin d'Ă©tĂ© lui ont composĂ© un magnifique album de souvenirs de moments chaleureux et crĂ©ateurs qui l'aideront Ă  attendre la prochaine Ă©dition, l'Ă©tĂ© prochain. Tous les kinos 2011 avec DorothĂ©e A tous mes Jules, d'Emilie Rosas - un magnifique portrait de femme qui pourrait ĂȘtre... DorothĂ©e Quelques premiĂšres fois, de Kristina Wagenbauer Excuse-moi, de StĂ©phane Morel - une fiction dramatique, DorothĂ©e en premier rĂŽle y fait une performance d'actrice Ă©tonnante La mĂ©thode du Docteur Blousemental, d'Anne Revel Sois belle et tais-toi, de Sido Nie ContaminĂ©s, de DorothĂ©e de Silguy Ti amo ti kino, d'Alexis Delamaye
Cemercredi 4 mars, les Ă©ditions La DĂ©couverte publient La rĂ©volte de la psychiatrie. Les ripostes Ă  la catastrophe gestionnaire, de Mathieu Bellahsen et Rachel Knaebel, une plongĂ©e passionnante dans la mise en ordre managĂ©riale de de la psychiatrie française, c’est-Ă -dire dans son effondrement. Nous en publions ici quelques bonnes
PubliĂ© le 03/05/2018 Ă  0900, Mis Ă  jour le 03/05/2018 Ă  1021 Une exposition sur les affiches de Mai 68 a lieu jusqu'au 14 mai 2018 aux Beaux-Arts de Paris. GERARD JULIEN/AFP EN IMAGES - À l'image du cĂ©lĂšbre Sois jeune et tais-toi», de nombreuses formules soixante-huitardes se retrouvent sur les banderoles des grands mouvements sociaux. Le Figaro dĂ©crypte ces outils de communication, entre symbolique» et archaĂŻsme».Il est interdit d'interdire», Sous les pavĂ©s la plage», Jouissez sans entraves». Provocateurs, drĂŽles ou poĂ©tiques, les graffitis qui ont fleuri sur les murs parisiens en Mai 68 ont contribuĂ© Ă  forger son mythe. Depuis, Ă  chaque grand mouvement social, ces mĂȘmes formules rĂ©apparaissent dans les cortĂšges de manifestants, de façon originale ou dĂ©tournĂ©e. Un signe que le mouvement a profondĂ©ment marquĂ© l'histoire du militantisme mais aussi que ce dernier a toutes les peines Ă  se lire aussiMai 68, ces trente jours qui Ă©branlĂšrent la FranceÉlaborĂ©es dans l'illĂ©galitĂ© des ateliers populaires des Beaux-Arts parisiens, les affiches de Mai 68 Ă©taient confectionnĂ©es Ă  la demande de travailleurs auprĂšs d'artistes et architectes qui occupaient l'Ă©cole. Cinquante ans plus tard, elles reviennent dans chaque grande manifestation. Le Sois jeune et tais-toi» a Ă©tĂ© imaginĂ© dĂšs janvier 1968, pour Ă©voquer la question de la mixitĂ© dans les rĂ©sidences universitaires», selon Philippe ArtiĂšres, chercheur au CNRS en histoire contemporaine. Depuis, le slogan est souvent rĂ©utilisĂ©, comme Ă  Lille lors d'une manifestation contre le Contrat PremiĂšre Embauche CPE en avril de mai 68 / photographie de l'AFP prise le 4 avril 2006, lors des manifestations anti-CPE Ă  Lille. AFPD'aprĂšs Mathilde Noury, ancienne prĂ©sidente de l'Unef et prĂ©sidente Ă©tudiante de Paris 3, ces slogans parlent aux gens. Ils appartiennent Ă  la culture populaire.» Si les syndicats Ă©tudiants choisissent souvent d'avoir recours aux formules imaginĂ©es par les Soixante-huitards, c'est parce qu'ils sont un outil de massification, de partage et de mobilisation essentiel». Ce que confirme Jimmy Losfeld, reprĂ©sentant de la FĂ©dĂ©ration des Associations GĂ©nĂ©rales Étudiantes Fage Ces phrases font appel Ă  l'imaginaire collectif, elles plaisent et rassemblent.» Le syndicat, dĂ©sormais majoritaire chez les Ă©tudiants, a d'ailleurs rĂ©cemment lancĂ© une plateforme Sois jeune et tais-toi???», pour les inciter Ă  s'exprimer sur la rĂ©forme de l'accĂšs Ă  l' slogans devenus objets historiques»Des slogans et affiches dont les inspirations Ă©taient aussi diverses que les revendications, estime Philippe ArtiĂšres. L'historien cite la littĂ©rature de l'absurde» pour les graffitis, avec des jeux de mots, des oxymores et jouant sur l'ironie», mais aussi le surrĂ©alisme» Ă  l'exemple de Sous les pavĂ©s la plage». En 1968, tout le monde lit AndrĂ© Breton», ajoute-t-il. Une devise qui rappelle Ă©galement 1936 et les congĂ©s payĂ©s.Sous les pavĂ©s la plage», taguĂ© lors du mouvement Nuit Debout en juin 2016. Sous les pavĂ©s la rage» lors des manifestations contre les ordonnances de la loi Travail en septembre 2017. AFP / AFPLe chercheur au CNRS prĂ©cise que chaque formule Ă©tait pensĂ©e en lien avec une actualitĂ© de la grĂšve gĂ©nĂ©rale de Mai 68 mais qu'ils sont depuis devenus des objets historiques». Ils touchent toutes les gĂ©nĂ©rations et sont une caisse de rĂ©sonance», abonde pour sa part Mathilde lire aussiPourquoi cĂ©lĂšbre-t-on en mars les Ă©vĂ©nements de mai 68?Affiche historique de mai 68 // Un Ă©tudiant portant une affiche, lors des manifestations anti-CPE Ă  Paris, en avril 2006. AFPCette nostalgie montre l'archaĂŻsme des syndicats»D'aprĂšs Jimmy Losfeld, cette utilisation rĂ©currente dĂ©note nĂ©anmoins l'immobilisme de certains syndicats et illustre le fantasme» Ă  chaque manifestation, de faire renaĂźtre un nouveau Mai 68». Ce que Philippe ArtiĂšres nomme un usage politique du passé» est d'aprĂšs le membre de la Fage une façon de faire croire que le combat est encore majoritaire». Cette nostalgie montre l'archaĂŻsme des syndicats», tranche-t-il lire aussiCinquante ans aprĂšs mai 68, le naufrage des syndicats Ă©tudiants de gaucheDe son cĂŽtĂ©, Mathilde Noury reconnaĂźt qu'il est difficile d'inventer des slogans». On voit rapidement ceux qui marchent et sont largement repris au microphone... et les autres». Elle ajoute que si certains sont rĂ©pĂ©titifs, c'est aussi parce qu'il y a rĂ©pĂ©tition de politique au fil des diffĂ©rents militante de l'Unef admet que l'utilisation des slogans de l'Ă©poque peut-ĂȘtre assimilĂ©e Ă  un piĂšge» pour les manifestants. Elle prend l'exemple d'Ă©lections piĂšge Ă  con» devenu sĂ©lection piĂšge Ă  cons» L'usage de ces phrases tend Ă  faire penser au public que les manifestations actuelles ont davantage pour but de cĂ©lĂ©brer l'anniversaire de Mai 68 que de critiquer la rĂ©forme Vidal. Alors que ce n'est pas qu'une question de de mai 68 // Étudiants manifestant contre la rĂ©forme de l'accĂšs Ă  l'universitĂ©, le 1er fĂ©vrier Ă  Lille. AFPD'aprĂšs l'Ă©tudiante, le militantisme a beaucoup changĂ© depuis Mai 68». Si elle avoue que les prospectus et affiches sont indispensables, elle juge qu'une manifestation aujourd'hui ne peut plus se passer du tĂ©lĂ©phone portable et des rĂ©seaux sociaux». Ce que confirme Ă©galement Jimmy Losfeld Aujourd'hui les photos des banderoles sont largement diffusĂ©es sur Internet.» Et donnent une nouvelle vie aux slogans de Mai 68, des affiches aux Ă©crans.
Lisez« Tais-toi et embrasse-moi ! » de DĂ©borah GuĂ©rand disponible chez Rakuten Kobo. Teddy n’en revient pas ! Un voyage organisĂ© pour cĂ©libataires, voilĂ  ce que sa famille et ses amis ont eu la bonne idĂ©e
20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 1617 Belle affluence au Forum des Images du 11 au 14 mars oĂč la manifestation Je suis une femmes pourquoi pas vous ? » a Ă©tĂ© suivie avec enthousiasme. On nous dit qu’on s’est bousculĂ© Ă  la soirĂ©e des Archives des luttes » le 12 et que le colloque Quand les femmes s’emparent de la camĂ©ra » le 13 a soulevĂ© de passionnantes questions. Ci-dessous, en attendant d’autres transcriptions, l’intervention de Cathy Bernheim Ă  la table ronde FĂ©minisme, genre et reprĂ©sentation », Ă  laquelle participaient Heike Hurst, GĂ©raldine Gourbe, Marie-HĂ©lĂšne Bourcier, Claudine Le Pallec Marand, Nicole FernĂ ndez Ferrer et Laetitia Puertas. ‱ Au cinĂ©ma l’Archipel, le film de Charlotte Silvera, “Louise l’insoumise“ nous a entraĂźnĂ©es avec tendresse et simplicitĂ© dans ces Ă©poques de l’enfance oĂč il faut dĂ©fendre l’intĂ©gritĂ© de son identitĂ© pour devenir une femme. DĂ©gagĂ© de tout maniĂ©risme, un film subtilement moderne qui se positionne dans l’histoire du cinĂ©ma et prend le parti du fĂ©minisme, d’un bout Ă  l’autre, sans concessions. Louise l’insoumise est disponible en vidĂ©o, ainsi que deux des autres films de Charlotte Silvera, Ă  l’adresse suivante Il faut dire que ce soir lĂ , Dominique Poggi nous avait ouvert les sens par le souffle de sa musique descendue d’un temps oĂč les quatre Ă©lĂ©ments jouaient avec le monde dans un jazz universel. ‱ A la Mairie du 20° et jusqu'au 25 mars, l’exposition des affiches du mouvement organisĂ©e par les Archives fĂ©ministes et lesbiennes est toujours visible Ă  la Mairie du 20° arrondissement parisien. ‱ Le Festival International de Films de Femmes du 2 au 11 avril Ă  la Maison des Arts de CrĂ©teil, Nous reparlerons de ce rendez-vous, incontournable depuis 1979, trĂšs prochainement et plus en dĂ©tail. Mais dĂ©jĂ  le calendrier FESTIVAL INTERNATIONAL DE FILMS DE FEMMES - CRÉTEIL FESTIVAL INTERNATIONAL DE FILMS DE FEMMES - CRÉTEIL ‱ Intervention Ă  la table ronde “FĂ©minisme, genre et reprĂ©sentation“ au Forum des Images BELLES ET REBELLES À PERPÉTUITÉ ? Intervention de Cathy Bernheim au colloque Quand les femmes s’emparent de la camĂ©ra » Forum des Images, Paris, 13 mars 2010 Quand j’étais petite, j’ai passĂ© quelques dĂ©buts de vacances dans un HLM de la citĂ© Lamalgue Ă  Toulon. Ma mĂšre m’y dĂ©posait avec une dĂ©capotable qui faisait son effet au pied du bĂątiment B oĂč habitait sa sƓur aĂźnĂ©e, mĂšre de sept enfants dont trois Ă  peu prĂšs de mon Ăąge vivaient encore Ă  la maison. Cette arrivĂ©e avait du style elle Ă©tait trĂšs cinĂ©matographique, ma mĂšre, trĂšs cinĂ©. Elle s’était fait un look de Lana Turner quelques annĂ©es aprĂšs ma naissance et n’avait de cesse que je lui ressemble aussi. Ce qui m’a valu quelques sĂ©ances de torture esthĂ©tique auxquelles j’ai rĂ©sistĂ© vous voyez comment. Moi, celle Ă  qui j’aurais voulu ressembler, c’est Ava Gardner. Surtout dans La comtesse aux pieds nus », quand elle baladait ce pauvre Humphrey Bogart sous la pluie dans les ruelles de Madrid et l’abandonnait pour des petits machos dont je me demandais toujours ce qu’ils avaient de si attirant pour elle. J’étais jeune je ne savais pas encore. Mais je savais qu’Ava Gardner Ă©tait belle et je savais deux choses indiscutables. Que 1. Pour ĂȘtre belle il faut souffrir ». Et que 2. Sois belle et tais-toi ». Ma trĂšs cinĂ©matographique maman repartait dans un nuage de poussiĂšre enfin, lĂ , j’en rajoute on n’est quand mĂȘme pas dans un western. Et moi je restais lĂ , sur le balcon, soulagĂ©e de la voir partir si joyeuse, tandis qu’entourĂ©e de mes cousins et cousines qui n’allaient jamais au cinĂ©ma j’allais enfin pouvoir ĂȘtre moche et dĂ©braillĂ©e. Maman adorait le cinĂ©ma. Elle Ă©tait nĂ©e dans un film de Pagnol, Ă  Marseille, et m’avait mise au monde dans un film d’Hollywood, sur la Riviera. Le dernier film que j’ai vu en salle avec elle s’appelait Imitation of Life » Le mirage de la vie ». Je crois bien qu’elle avait pleurĂ©. Moi, pas, j’étais dĂ©jĂ  une dure, du haut de mes seize ans. Mais les films, aujourd’hui, je les vois comme elle, Ă©mue par les belles dames et sĂ©duite par les beaux garçons, submergĂ©e par les Ă©motions, Ă©bahie devant la beautĂ© des paysages et des visages. Oui, surtout des visages. Vous avez vu comme c’est beau un visage, quand on s’approche, quand on pose longuement son regard dessus, quand on le caresse des yeux ? C’est beau en vrai, bien sĂ»r, irrĂ©sistiblement si on prend le temps, mais c’est beau sur l’écran, en grand, quand on redevient petites et petits, dans l’obscuritĂ©. Nous avons toutes et tous nos visages cinĂ©matographiques prĂ©fĂ©rĂ©s, ceux qui nous ont accompagnĂ©es Ă  tous les Ăąges de nos vies, chacune et chacun les siens. Nous les avons regardĂ© changer, vieillir, rajeunir dans le dĂ©sordre des bobines, des films qu’on a vus au hasard, quand ils Ă©taient programmĂ©s. Car en ce temps-lĂ , pour voir un film, il fallait attendre qu’il sorte. Aujourd’hui, pour voir des belles dames et des beaux messieurs, il suffit de cliquer. Ils nous ont construit nos images, nos façons d’ĂȘtre femme presque autant, plus parfois, que les femmes de nos famille. Moi, c’est Ava Gardner, allez, mĂȘme dans Pandora »  Garbo quand elle rit dans Ninotchka », la terrible Bette Davis dans All about Eve », Joan Crawford dans Mildred Pierce ». Ou bien ce sont Ingrid Thullin et Gunnel Lindblom, sƓurs ennemies dans Le silence », Silvana Mangano dans Riz amer », Monica Vitti dans Le dĂ©sert rouge », Jeanne Moreau dans La nuit » et dans Eva » dans sa boignoire Jean Seberg quand elle vend le New York Herald Tribune et Anna Karina dans Une femme est une femme », Delphine Seyrig dans Marienbad » mais aussi dans Captain America » [NDB –note des blogueuses Erreur de l’auteur, il s’agit de Mister Freedom »]. Et pour finir une derniĂšre image, celle du lieutenant Ripley seule dans l’espace oĂč personne ne vous entend crier. Mais lĂ , ce n’était pas le visage de Sigourney Weaver qui me fascinait, c’était le dĂ©bardeur. Le monde venait de changer, et moi avec. Oui, d’accord, ce n’est pas l’objet de ce dĂ©bat. Ni le sujet. De quoi faut-il que je vous parle, dĂ©jĂ  ? FĂ©minisme, genre et reprĂ©sentation » tout un programme. En 1981, peu de temps avant que je ne dĂ©laisse pour une trentaine d’annĂ©es le mouvement des femmes une parenthĂšse crĂ©atrice, en quelque sorte, j’ai participĂ© Ă  une commission prĂ©sidĂ©e par Anne Zelensky, chargĂ©e par Yvette Roudy de dresser un bilan de la France au fĂ©minin. Il m’avait Ă©tĂ© demandĂ© d’examiner de prĂšs l’image des femmes ». Ce que j’ai fait avec passion tellement j’étais scandalisĂ©e, et depuis longtemps, par ce que la sociĂ©tĂ© des hommes, qui s’exprimait sans freins, imposait aux femmes comme images d’elles-mĂȘmes. Nous venions, depuis quelques annĂ©es, d’en Ă©pingler quelques Ă©chantillons dans le rubrique du Sexisme ordinaire des Temps Modernes, Ă  laquelle nous travaillions avec Simone de Beauvoir. Comme j’aimais le cinĂ©ma, j’avais pris l’habitude d’évaluer les rĂŽles qu’on rĂ©servait aux femmes dans les films d’Hollywood ou d’ailleurs qui dĂ©ferlaient sur nos Ă©crans. Et quand cette rubrique collective s’est arrĂȘtĂ©e, j’ai continuĂ© un moment seule dans les Temps Modernes, Ă  raconter Ă  Simone de Beauvoir –et Ă  elle seule- d’horribles films d’horreur qui devenaient chaque annĂ©e de plus en plus sanglants, mais oĂč, enfin, les femmes commençaient Ă  prendre leur revanche. Depuis ce temps, j’ai calculĂ© que j’ai dĂ» voir une dizaine de milliers de films pour des raisons professionnelles, ce qui signifie Ă  peu prĂšs un million de minutes, soit 16 666 heures de projection. VoilĂ  le genre de calcul idiot que j’adore faire
 Aujourd’hui que les femmes dĂ©pĂšcent, trucident et Ă©parpillent les hommes Ă  grands renforts d’effets spĂ©ciaux, et s’en prennent plein la gueule en retour, je me dis qu’au moins c’est clair, la guerre des sexes a bien lieu. Et mĂȘme si ce n’est pas nous qui l’avons commencĂ©e, qu’il est temps de rĂ©flĂ©chir ensemble Ă  la façon dont nous pourrons apprendre aux enfants des deux genres Ă  s’aimer en paix. Cela passe par les images. Mais pas celles du vieux cinĂ©ma, de ce cinĂ©ma qui faisait rĂȘver mon enfance. Cela passe en fait par ce qui les produit, le regard et l’imagination de ceux qui les produisent. Maintenant, je vais vous lire une liste celle des femmes qui ont sorti des films en France ces trois derniĂšres annĂ©es. Il y en a environ 250. Sur un total d’environ 2000 films sortis sur les Ă©crans français Ă  la mĂȘme pĂ©riode, vous calculerez quel pourcentage cela fait. [Elle lit la liste, et prĂ©cise au milieu de sa lecture ] Ce n’est pas la liste des victimes du dernier crash d’avion que je suis en train de vous lire là
 [Et ajoute Ă  la fin de la liste] VoilĂ . Ce sont les femmes qui ont signĂ© des films ces trois derniĂšres annĂ©es sur nos Ă©crans. C’est pour vous dire soutenez-les, allez les voir. ‱ Et pour finir, encore une camĂ©ra, celle de Joss. Avec un grand merci pour toutes ses images "d'aujourd'hui", enregistrĂ©es et diffusĂ©es sur les ondes, et qui nous accompagnent

Deplus, les jeunes disent ne pas avoir le droit Ă  la parole, ainsi, on trouve des affiches reprĂ©sentant De Gaulle fermant la bouche Ă  un jeune garçon avec un slogan « sois Le Monde 2 Le 22 mars [1998], Me LeliĂšvre dispersait Ă  Chartres une collection de quelque 150 affiches originales nĂ©es en mai 68 Ă  l'Ecole des beaux-arts. Le 22 mars [1998], Me LeliĂšvre dispersait Ă  Chartres une collection de quelque 150 affiches originales nĂ©es en mai 68 Ă  l'Ecole des beaux-arts. Trente ans plus tard, les slogans-chocs d'un printemps chaud ressurgissent en vente publique, mais les prix restent encore dĂ©mocratiques. Les nostalgiques et les curieux qui auraient manquĂ© la dispersion de Chartres pourront se rendre Ă  Drouot le 29 avril une autre vente d'affiches de Mai y sera organisĂ©e. L'anniversaire Ă©tait donc cĂ©lĂ©brĂ© en avant-premiĂšre Ă  Chartres Me LeliĂšvre dispersait le 22 mars une collection d'affiches originales illustrant au jour le jour les Ă©vĂ©nements de Mai. Le hasard fait parfois bien les choses, la date choisie tombait Ă  pic. C'est en effet le 22 mars 1968 qu'un petit groupe d'Ă©tudiants, menĂ© par Daniel Cohn-Bendit, commence Ă  faire parler de lui dans " Nanterre-la-folle ". L'amorce d'un printemps chaud, oĂč il devient tout-Ă -coup urgent de " changer la vie " et d'imaginer " Sous les pavĂ©s, la plage ! ". Les quelque 150 affiches originales mises en vente provenaient de " l'Atelier populaire de l'ex-Ecole des beaux-arts ", selon la terminologie en vigueur Ă  l'Ă©poque. L'ensemble constituait la collection d'un ancien acteur des Ă©vĂ©nements. Celui-ci, chargĂ© de collecter les affiches aux Beaux-Arts et de les distribuer dans les comitĂ©s, avait gardĂ© ses prĂ©fĂ©rĂ©es, faisant ainsi office de conservateur. Ces piĂšces n'avaient donc jamais Ă©tĂ© collĂ©es. Ce qui explique qu'elles soient restĂ©es en bon Ă©tat. Un point important, car ces affiches de Mai sont particuliĂšrement fragiles. Presque toujours tirĂ©es en sĂ©rigraphie, procĂ©dĂ© peu coĂ»teux, sur des supports de qualitĂ© mĂ©diocre, elles n'avaient Ă  l'Ă©vidence guĂšre Ă©tĂ© conçues pour durer. Cette Ă©conomie de moyens s'accorde tout-Ă -fait avec le cĂŽtĂ© brut des slogans-chocs, relevĂ©s d'images coups de poing traitĂ©es en aplats de couleurs vives. L'actualitĂ© y est rĂ©sumĂ©e Ă  chaud, sans recul ni subtilitĂ©s hors de saison. Agressif, le graphisme va Ă  l'essentiel. Ainsi, " La police s'affiche aux Beaux-Arts, les Beaux-Arts affichent dans la rue ", proclame l'Atelier populaire sur une sĂ©rigraphie envahie d'une monstrueuse tĂȘte de CRS armĂ©e d'un pinceau entre les dents 3 600 francs. Si quelques-unes de ces affiches paraissent avoir assez mal vieilli, d'autres, en revanche, frappent par leur caractĂšre prĂ©monitoire. Comme celles traitant du chĂŽmage. L'une d'elles reprĂ©sente un nourrisson serrĂ© dans ses langes, avec cette question " Sera-t-il chĂŽmeur ? " 750 francs. " CHIENLIT " Parmi les cibles prĂ©fĂ©rĂ©es des affichistes de Mai, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle figure en bonne place. BrossĂ©e de façon grand nez, kĂ©pi, oreilles dĂ©mesurĂ©es, sa silhouette caractĂ©ristique se trouve accommodĂ©e Ă  toutes les sauces. " Sois jeune et tais-toi ", Ă©nonce l'une de ces affiches. De Gaulle, de profil en ombre chinoise, massif, immense, pose sa main devant la bouche d'un jeune homme 2 100 francs. Encore et toujours le GenĂ©ral, silhouette Ă  la place de la croix de Lorraine, sur une sĂ©rigraphie titrĂ©e " Renversons sa dictature " 400 francs, ou reprĂ©sentĂ© de profil les bras levĂ©s, avec ce commentaire sans appel " La chienlit, c'est lui ! " 600 francs. D'autres lĂ©gendes sonnent de façon autrement inquiĂ©tante. Comme celle qui assimile de Gaulle Ă  Hitler. Le dessin, rĂ©solument expressionniste, en rĂ©fĂ©rence aux annĂ©es 30, montre six tĂȘtes de rĂ©actionnaires, en rouge sur fond blanc, surmontĂ©es de ce credo cinglant " Notre seul espoir Hitler barrĂ© De Gaulle " 2 000 francs. MĂȘme esprit pour " Parti unique. Dictature ", qui comporte le sigle gaulliste dans lequel s'inscrit la croix gammĂ©e 400 francs. La presse n'est pas non plus en odeur de saintetĂ©. Citons notamment " Les rĂ©dactions Ă  dĂ©sinfecter " 1 600 francs ; " La police Ă  l'ORTF c'est la police chez vous ", avec les anneaux du sigle de l'ORTF hĂ©rissĂ©s de fil de fer barbelĂ© 1 100 francs, ou encore " Le rĂ©gime compresse, la presse complice ", reprĂ©sentant un personnage Ă©crasĂ© sous une presse. Cette derniĂšre sĂ©rigraphie, attribuĂ©e Ă  l'Ecole supĂ©rieure d'architecture, fait ressortir de façon appuyĂ©e les doubles " s " des mots " compresse " et " presse " 850 francs. TraitĂ©es de façon tout aussi fĂ©roce, les Ă©lections de juin 68 ont inspirĂ© quelques images fortes. Exemple " Voter, c'est mourir un peu ". L'urne a pris la forme d'un cercueil, marquĂ© d'une croix de Lorraine 1 100 francs. MĂȘme veine pour " AdhĂ©rez au parti de la trouille " l'injonction s'accompagne d'un dessin tremblotant de la croix de Lorraine, inscrite dans un " V " tracĂ© d'une main tout aussi peureuse 450 francs. AprĂšs cette flambĂ©e porteuse d'espoirs, le retour au calme qui s'amorce n'est pas vraiment du goĂ»t des activistes de Mai. Des affiches plus tardives illustrent ces lendemains dĂ©chantĂ©s. Ainsi, " 14 juillet 68, la France embastillĂ©e " dĂ©crit un Hexagone embarbelĂ©, occupĂ© par un Ă©norme CRS casquĂ©, menaçant, matraque au poing, sur fond de lampions dĂ©risoires 1 200 francs. TrĂšs rĂ©ussie graphiquement, une autre sĂ©rigraphie met en scĂšne un vaste troupeau de moutons, pressĂ©s les uns contre les autres, en foule, avec ce long commentaire en forme de conclusion dĂ©sabusĂ©e " Retour Ă  la normale. Que se passe-t-il ? Il ne se passe rien. Que s'est-il passĂ© ? Il ne s'est rien passĂ©. Pourtant... j'avais cru comprendre. Il ne faut pas comprendre " 3 000 francs. En fin de compte, presque toutes ces affiches ont trouvĂ© preneur dans la fourchette des estimations. Raisonnables, celles-ci s'Ă©chelonnaient entre 200 francs et 2 000 francs. La plus haute enchĂšre 6 300 francs allait au trop fameux " CRS SS ". NoĂ«lle Joly Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă  la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil Ă  la fois ordinateur, tĂ©lĂ©phone ou tablette. 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Cette lecture analytique s’adresse Ă  mes classes de PremiĂšre, mais elle intĂ©ressera bien Ă©videmment les Ă©tudiantes et les Ă©tudiants travaillant sur les Ă©tudes fĂ©ministes et l’écriture au fĂ©minin. Il faut que la femme s’écrive que la femme Ă©crive de la femme et fasse venir les femmes Ă  l’écriture, dont elles ont Ă©tĂ© Ă©loignĂ©es aussi violemment qu’elles l’ont Ă©tĂ© de leurs corps pour les mĂȘmes raisons, par la mĂȘme loi, dans le mĂȘme but mortel. Il faut que la femme se mette en texte ― comme au monde, et Ă  l’histoire ― de son propre mouvement. » HĂ©lĂšne Cixous, Le rire de la mĂ©duse » L’Arc, n° 61 Simone de Beauvoir et la lutte des femmes », 1975, p. 39. INTRODUCTION C’ est dans la mouvance des mouvements fĂ©ministes des annĂ©es 1970 qu’Annie Leclerc 1940-2006, Ă©crivaine et professeure de philosophie, livre au grand public cet ouvrage audacieux et provocateur, qui fit scandale lors de sa parution Parole de femme. Dans cet essai Ă  la fois philosophique et poĂ©tique, l’auteure exalte un fĂ©minisme nouveau, qui revendique haut et fort une identitĂ© fĂ©minine » qu’il faut dĂ©finir ou construire. À la diffĂ©rence du fĂ©minisme Ă©galitariste par exemple qui s’en tient Ă  des revendications d’égalitĂ© entre les hommes et les femmes, ce courant du fĂ©minisme est appelĂ© diffĂ©rentialiste car il cĂ©lĂšbre dans la femme la prise de conscience de sa fĂ©minitĂ© et de sa diffĂ©rence comme remĂšde premier Ă  l’impĂ©rialisme culturel des hommes et aux systĂšmes de valeur qui imprĂšgnent la culture patriarcale »Âč. Ce que propose Annie Leclerc dans ce trĂšs beau texte militant n’est autre qu’un renouvellement des savoirs, qui passe par l’affirmation du fĂ©minin, et donc d’une identitĂ© sexuelle. Comme elle l’écrit plus loin dans le livre, il faut que les femmes se constituent des territoires propres, donnant lieu Ă  l’émergence de savoirs et de pouvoirs particuliers ». Tout l’essai d’Annie Leclerc, et particuliĂšrement ce texte, est en effet traversĂ© par la problĂ©matique fondamentale de l’appropriation par les femmes du savoir et la mise en Ă©vidence de l’écriture fĂ©minine valorisant Ă  la fois la conscience de soi en tant que femme, et une nouvelle approche des rapports de pouvoir. PLAN 1. Un texte polĂ©mique et engagĂ© A/ L’énonciation du texte le je » dominant B/ Un blĂąme contre les hommes 2. Le fĂ©minisme d’Annie Leclerc une double conquĂȘte de l’identitĂ© et de l’écriture A/ Le refus des universalismes B/ La nĂ©cessitĂ© d’une prise de conscience parole et identitĂ© fĂ©minine 3. La dimension lyrique et poĂ©tique du texte A/ Une revendication qui passe par le langage poĂ©tique B/ Un hymne Ă  la vie l’articulation de l’écriture avec la revendication du corps fĂ©minin Conclusion – 1 UN TEXTE POLÉMIQUE ET ENGAGÉ A/ Un texte qui s’inscrit dans l’énonciation du discours Si la revendication par les femmes d’une parole militante, tout comme l’expression de revendications concernant l’égalitĂ©, est loin d’ĂȘtre un phĂ©nomĂšne rĂ©cent —on peut Ă©voquer tout Ă  fait arbitrairement Christine de Pisan 1364‑1430, Olympe de Gouges 1745‑1793 George Sand 1804-1876 ou Colette 1873-1954— c’est dans les annĂ©es 1970 sous la pression des mouvements nĂ©o-fĂ©ministes et des revendications de Mai 68, que la parole Ă©crite s’accompagne d’une parole parlĂ©e » amenant Ă  un basculement des valeurs les femmes revendiquent le droit Ă  une parole diffĂ©rente de celle des hommes, perçue comme un instrument de transmission de l’aliĂ©nation fĂ©minine. En ce sens, le texte d’Annie Leclerc fait prĂ©valoir un fĂ©minisme de la diffĂ©rence ou diffĂ©rentialiste selon elle, le problĂšme tient au fait que le rĂ©fĂ©rentiel du fĂ©minisme est essentiellement masculin, ce qui explique que l’égalitarisme ait Ă©tĂ© largement dominant. En opposition Ă  cette masculinisation fĂ©minine », c’est au contraire en tant que femme assumant son identitĂ© et sa diffĂ©rence, c’est-Ă -dire assumant la responsabilitĂ© de ce qu’elle affirme Ă  travers l’emploi de la premiĂšre personne qu’Annie Leclerc prend la parole. Les indices d’énonciation On appelle indices d’énonciation les marques spĂ©cifiques permettant de dĂ©terminer qui parle, Ă  qui s’adresse le texte, dans quelles circonstances il a Ă©tĂ© produit. En premier lieu, il convient de s’interroger sur l’énonciation, c’est-Ă -dire sur la façon dont est produit l’énoncĂ©. Dans le passage, nous voyons que l’énonciateur est trĂšs prĂ©sent dans son Ă©noncĂ© Annie Leclerc prend parti pour une thĂšse et manifeste clairement son implication et sa position dans le discours. La position de l’énonciation dans cet extrait, de mĂȘme que dans tout l’essai, est explicitement fĂ©minine c’est donc dans la perspective du discours fĂ©minin qu’il faut apprĂ©hender le texte. Cette affirmation de la conscience de soi passe en effet par l’affirmation d’une identitĂ© de genre pour Annie Leclerc, la femme doit s’affirmer comme sujet. Cette approche ne vise pas l’inclusion des femmes dans un discours et un systĂšme dominants mais l’expĂ©rimentation par les femmes d’une nouvelle parole » s’inscrivant dans un langage propre Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme » lignes 5-6. Prendre la parole pour Annie Leclerc, c’est ainsi trouver sa place dans ce qui dĂ©termine l’énonciation en affirmant son moi, et c’est assumer ce que la parole impose l’abondance des indices personnels, Ă  commencer par le pronom je » qui parcourt tout le texte, mais aussi le pronom nous » Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme », ligne 22, permet de mettre en Ă©vidence la nĂ©cessaire Ă©mancipation des femmes face au monde des hommes Rien n’existe qui ne soit le fait de l’homme, ni pensĂ©e, ni parole, ni mot. Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas mĂȘme moi, surtout pas moi. lignes 1-2 ÉnoncĂ©e comme une opinion gĂ©nĂ©rale structurĂ©e autour de l’adverbe rien », cette phrase est posĂ©e pour vĂ©ritĂ© Rien n’existe qui ne soit le fait de l’homme ». La tonalitĂ© didactique et l’énonciation volontairement impersonnelle du dĂ©but permettent de formuler sur un ton qui semble objectif c’est un fait que rien n’existe » une critique acerbe contre les hommes. Les indices de la personne comme le pronom personnel moi renforcent dans la suite de la phrase la prĂ©sence de l’auteure dans son Ă©noncĂ© pas mĂȘme moi, surtout pas moi ». InfĂ©odĂ©e Ă  un code sexuel, pervertie par les rĂ©fĂ©rents imposĂ©s du pouvoir masculin, la parole des femmes est paradoxalement le produit de cette soumission mĂȘme Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas mĂȘme moi ». Elle doit donc s’en libĂ©rer afin d’ inventer une parole de femme », c’est-Ă -dire une Ă©criture de la diffĂ©rence qui passe par la perspective d’une transformation des rapports de savoir et des rapports de pouvoir permettant au discours fĂ©minin de s’autonomiser sous forme de littĂ©rature et de devenir ainsi une parole de femme. Il s’agit bien d’un positionnement dans l’argumentation, oĂč l’auteure se situe dans l’ici et le maintenant de son Ă©nonciation discours direct prĂ©sent de l’indicatif comme temps pivot, premiĂšre personne du singulier en se confrontant avec les hommes Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-lĂ  peut bien se fĂącher, elle rĂ©pĂšte. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dĂ©rober Ă  cette urgence extraordinaire inventer la femme. C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste. lignes 5-8 Afin de dĂ©velopper son argumentation et notamment sa critique des savoirs constituĂ©s totalisants, l’auteure produit un discours pamphlĂ©taire qui met en avant une stratĂ©gie d’opposition pour se constituer dans un rapport d’altĂ©ritĂ© Ă  la culture dominante des hommes Je me dis » ≠ il est dit », ils ont dit » Nous avons fait » ≠ et eux », ils ont fait » Cette relation de confrontation entre un discours masculin qui se prĂ©tend comme lĂ©gitime et dominant il est dit que », et un discours fĂ©minin, met en Ă©vidence le point de vue des hommes qui sous couvert d’universel et de neutralitĂ©, dissimule en fait une profonde discrimination Ils ont dit que la vĂ©ritĂ© n’avait pas de sexe. Ils ont dit que l’art, la science et la philosophie Ă©taient vĂ©ritĂ©s pour tous » le point de vue du ils » renforcĂ© par le passĂ© composĂ© valeur d’accompli du passĂ© et les tournures anaphoriques a pour fonction modalisante d’installer la parole des hommes dans une logique circulaire et rĂ©pĂ©titive coupĂ©e de la rĂ©alitĂ© du monde la parole de l’homme [
] peut bien se fĂącher, elle rĂ©pĂšte » lignes 5-6 notez le lexique dĂ©valorisant. Nous aurions pu aussi Ă©tudier la tournure impersonnelle il est dit » dont l’aspect trĂšs dogmatique prend la forme d’une rĂšgle arbitraire imposĂ©e Ă  tous. Alors qu’une parole de femme est engagĂ©e dans le rĂ©el manger », boire », regarder le jour », porter la nuit », lignes 36-37, les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre » ligne 16 selon une logique rĂ©pĂ©titive, uniformisante et mortifĂšre. Ces considĂ©rations amĂšnent Ă©galement Ă  s’intĂ©resser aux nombreux Ă©lĂ©ments qui marquent subjectivement l’énoncĂ© et qui par consĂ©quent indiquent clairement au lecteur les directions argumentatives formulĂ©es. DerriĂšre cette opposition que nous notions entre le je/moi » et le ils/eux », se met en place un schĂ©ma dualiste amenant Ă  une nĂ©cessaire prise de conscience de soi par la recherche assumĂ©e d’une Ă©criture-femme qui cherche Ă  se dĂ©gager des stĂ©rĂ©otypes ce n’est donc pas l’égalitĂ© homme/femme qui est mise en avant mais la nĂ©cessitĂ© d’inventer une parole de femme. On sait que, traditionnellement, les femmes n’avaient pas droit Ă  la parole, l’homme Ă©tant l’autoritĂ© Ă©nonciative lĂ©gitime. Cette rĂ©alitĂ© de la femme silencieuse, dĂ©possĂ©dĂ©e de son identitĂ©, ayant pour tĂąche de prendre sur elle les soucis matĂ©riels afin de servir les prĂ©occupations intellectuelles de l’homme est rappelĂ© plusieurs fois dans le texte Ces plus fortes voix sont aussi celles qui m’ont le plus rĂ©duite au silence. Ce sont ces superbes parleurs qui mieux que tout autre m’ont forcĂ©e Ă  me taire. lignes 12-13 Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme. ligne. 22 Les tournures impersonnelles au prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale Rien n’existe
 », Les choses de l’homme ne sont pas seulement
 Elles sont
 » permettent d’agir sur le lecteur la notion d’argumentation suppose en effet l’action d’un Ă©nonciateur sur un auditoire, qui vise Ă  modifier ses convictions et Ă  gagner son adhĂ©sion. L’argumentation cherche Ă  agir sur le destinataire en modifiant ses convictions ou ses prĂ©jugĂ©s thĂšse rĂ©futĂ©e, par un discours qui lui est adressĂ©, et qui vise Ă  le faire adhĂ©rer Ă  la thĂšse avancĂ©e. Dans cette perspective, l’étude de l’argumentation doit prendre en compte les stratĂ©gies de persuasion du texte, c’est-Ă -dire la maniĂšre dont l’auteure nous induit Ă  accepter sa thĂšse donner Ă  la parole de femme » son statut de parole autonome, raisonnĂ©e, en la situant hors du champ de la rhĂ©torique et de la dialectique masculines. Ce qui est marquant dans le passage, c’est l’énonciation rhĂ©torique les choix stylistiques, souvent d’ordre Ă©valuatif, permettent comme nous le verrons, de situer le discours de la femme par rapport Ă  des valeurs affectives fortes. C’est ainsi que le discours masculin, prĂ©tendument universaliste, inclusif et objectif, est montrĂ© comme cherchant Ă  gommer toute trace de l’énonciation fĂ©minine Ce sont ces superbes parleurs qui mieux que tout autre m’ont forcĂ©e Ă  me taire. lignes 12-13 Par opposition, le discours subjectif dans lequel Annie Leclerc se situe explicitement C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste. » ligne 8 ou se pose implicitement Les hommes ont la parole. » passe par de nombreux jugements de valeur et un fort engagement Ă©motionnel Je n’ai pas oubliĂ© le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche
 Je les connais pour avoir vĂ©cu parmi eux et seulement parmi eux. Ces plus fortes voix sont aussi celles qui m’ont le plus rĂ©duite au silence. lignes 10-12 La fonction dite Ă©motive ou expressive du langage, qui met l’accent sur le locuteur, vise ainsi Ă  une expression directe caractĂ©risĂ©e par l’intentionnalitĂ© le jugement de l’auteure transparaĂźt en effet dans l’énonciation par l’emploi des indices de jugement. Sans surprise, le lexique dĂ©prĂ©ciatif concerne les hommes. Ainsi, le vocabulaire affectif traduit la subjectivitĂ© par l’émotion et les sentiments manifestĂ©s Les choses de l’homme ne sont pas seulement bĂȘtes, mensongĂšres et oppressives. Elles sont tristes surtout, tristes Ă  en mourir d’ennui et de dĂ©sespoir. lignes 3-4 De mĂȘme, le recours Ă  l’ironie, utilisĂ©e comme procĂ©dĂ© rhĂ©torique, permet d’entraĂźner la complicitĂ© du lecteur Qui parle dans les gros livres sages des bibliothĂšques ? ligne 14 Une honnĂȘte femme ne saurait ĂȘtre un honnĂȘte homme. Une grande femme ne saurait ĂȘtre un grand homme, la grandeur est chez elle affaire de centimĂštres. lignes 19-20 Enfin, la modalitĂ© interrogative qui parcourt tout le texte met particuliĂšrement en valeur les questions rhĂ©toriques. Loin d’ĂȘtre une demande d’information, ces interrogations comme le suggĂšre leur formulation mĂȘme, n’attendent pas de rĂ©ponse, ce qui accentue plus encore la vĂ©racitĂ© des faits dĂ©noncĂ©s Qui parle ici ? ligne 9 Qui a jamais parlĂ© ? ligne 9 Qui parle dans les gros livres ? ligne 14 Pourquoi la VĂ©ritĂ© sortirait-elle de la bouche des hommes ? lignes 29-30 Ces questions, associĂ©es frĂ©quemment Ă  des procĂ©dĂ©s d’amplification et de gradation anaphores rhĂ©toriques, montrent un trĂšs net engagement Ă©motionnel de l’auteure et permettent d’interpeller le lecteur, de l’impliquer et de le responsabiliser. _ B/ Un blĂąme contre les hommes En accentuant la disposition Ă  l’action et Ă  l’engagement, le texte d’Annie Leclerc cherche Ă  renforcer l’adhĂ©sion des lecteurs aux valeurs qu’elle exalte. Ainsi le discours Ă©pidictique, combinĂ© aux procĂ©dĂ©s oratoires et rhĂ©toriques, est-il largement dominant. Le discours Ă©pidictique AppelĂ© Ă©galement discours dĂ©monstratif, le discours Ă©pidictique fait l’éloge ou le blĂąme d’une personne ou d’une idĂ©e. Il se propose d’entraĂźner l’adhĂ©sion de l’auditoire aux valeurs qu’il exalte en combinant les moyens de l’art oratoire, notamment l’amplification, et la rigueur de l’argumentation dĂ©monstrative. Mais pour faire l’éloge d’une parole de femme, encore faut-il montrer les insuffisances de la parole des hommes. Annie Leclerc leur reproche tout d’abord de produire de l’exclusion. Le sexisme s’affiche ainsi Ă  tous les niveaux, Ă  commencer par la culture. En dĂ©pit de la volontĂ© affichĂ©e d’universalitĂ©, l’assignation sociale des femmes Ă  la sphĂšre privĂ©e Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme » alimente la logique d’homologation des contenus enseignĂ©s Ă  une norme masculine faisant largement consensus Qui parle ici ? Qui a jamais parlĂ© ? Assourdissant tumulte des grandes voix ; pas une n’est de femme. Je n’ai pas oubliĂ© le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche
 Je les connais pour avoir vĂ©cu parmi eux et seulement parmi eux. lignes 9-12 En outre, l’idĂ©e selon laquelle les hommes doivent ĂȘtre plus reprĂ©sentĂ©s entretient un rapport de domination et apparente la sous-reprĂ©sentation des femmes Ă  une certaine idĂ©e de la norme fĂ©miniser les savoirs enseignĂ©s reviendrait en premier lieu Ă  ĂŽter tout fondement Ă  la tradition des savoirs enseignĂ©s et aux stĂ©rĂ©otypes culturels en les rendant discutables. OubliĂ©es comme sujet, les femmes sont dĂšs lors rĂ©duites Ă  une identitĂ© assignĂ©e d’objet selon une logique discriminante qui prouve la difficultĂ© de la sociĂ©tĂ© Ă  penser l’universel en incluant les femmes. Face au relativisme culturel, les hommes reprĂ©sentent ainsi l’universalisme du savoir. Par ailleurs, en associant le fĂ©minin au mal m’ont forcĂ©e Ă  me taire » ; Une honnĂȘte femme ne saurait ĂȘtre un honnĂȘte homme. Une grande femme ne saurait ĂȘtre un grand homme », le discours masculin pratique une forme de sĂ©grĂ©gation action de sĂ©parer un groupe social des autres en le traitant plus mal. Ainsi, les femmes n’ont-elles pas accĂšs aux lieux de pouvoir Qui parle dans les gros livres sages des bibliothĂšques ? Qui parle au Capitole ? Qui parle au temple ? Qui parle Ă  la tribune et qui parle dans les lois ? lignes 14-15 Annie Leclerc s’en prend en effet trĂšs violemment Ă  la misogynie, comme en tĂ©moigne ce chiasme Figure de style qui consiste Ă  placer deux groupes de mots dans un ordre inversĂ© Le monde est la parole de l’homme. L’homme est la parole du monde » ligne 18, condamnation sans appel qui fait presque de la parole masculine l’équivalent d’une parole divine omnipotente, inique puisqu’elle rĂ©duit les femmes au silence. L’utilisation du prĂ©sent de gĂ©nĂ©ralitĂ© est Ă©videmment importante ici selon Annie Leclerc, le monde est bien la parole des hommes, depuis les origines de la Civilisation. L’auteure veut montrer par lĂ  que les hommes se sont presque arrogĂ©s la parole divine, ce qui explique la suite des comparaisons qu’il s’agisse du Capitole, qui est une allusion Ă  l’antiquitĂ© romaine, de la Tribune qui fait rĂ©fĂ©rence au monde politique, ou du Temple, condamnation sans appel des dogmes religieux, les hommes ont toujours monopolisĂ© l’espace de parole. Ainsi, la misogynie est prĂ©sente partout, et de tout temps, aussi bien dans l’univers sacrĂ© et religieux, que dans l’univers profane. – 2 LE FÉMINISME D’ANNIE LECLERC une double conquĂȘte de l’identitĂ© et de l’écriture A/ Le refus des universalismes P our Annie Leclerc, l’enjeu de la sexualitĂ© masculine a Ă©tĂ© trop souvent de dominer la femme, non par nature, mais culturellement. Ce constat, influencĂ© par Simone de Beauvoir Le DeuxiĂšme sexe, 1949 et par l’Ɠuvre de l’écrivaine fĂ©ministe amĂ©ricaine Kate Millett Sexual Politics, 1970 ; La Politique du mĂąle, 1971 implique l’idĂ©e de l’identitĂ© sexuelle, non comme fondement biologique, mais comme construction socioculturelle ainsi l’homme, en tant que sujet », a de tout temps maintenu la femme dans une position de subordination selon la raison du plus fort », faisant d’elle un objet » incapable d’assumer sa libertĂ© Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme. Ils ont fait naĂźtre l’universel du particulier. Et l’universel a portĂ© le visage du particulier. L’universalitĂ© fut dĂ©sormais leur tour favori. Le dĂ©cret parut lĂ©gitime et la loi parut bonne une parole pour tous. [
] Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel. » lignes 22-24 ; 28 Contre cet universalisme, la position d’Annie Leclerc est que les femmes doivent revendiquer le droit de parler et celui d’écrire d’une maniĂšre spĂ©cifique, qui Ă©chappe Ă  l’universel de fait, l’universalisme n’est en fait qu’un particularisme gĂ©nĂ©ralisĂ© Et l’universel a portĂ© le visage du particulier. ». La femme doit donc trouver sa voie, mais aussi sa voix » en crĂ©ant un espace de parole ouvrant de nouveaux espaces de signification et de sens. Cela ne va pas [
] de pair avec un afflux de paroles » ces superbes parleurs » ; Assourdissant tumulte des grandes voix » , mais peut au contraire s’accommoder d’une forme de retenue »ÂČ valorisant la franchise et la sincĂ©ritĂ© La vĂ©ritĂ© » n’existe que parce qu’elle opprime et rĂ©duit au silence ceux qui n’ont pas la parole. Non, non je ne demande pas l’accĂšs Ă  la vĂ©ritĂ© sachant ĂŽ combien c’est un puissant mensonge inventĂ© par l’homme. Je ne me donne que la parole, plus sincĂšre, plus honnĂȘte. passage non citĂ© dans le texte Ă©tudiĂ© Un aspect essentiel du fĂ©minisme diffĂ©rentialiste est prĂ©cisĂ©ment la dĂ©nonciation de l’universalisme masculin, Ă  la base de stĂ©rĂ©otypes sexistes sans fondement rationnel Ils ont dit que la vĂ©ritĂ© n’avait pas de sexe. Ils ont dit que l’art, la science et la philosophie Ă©taient vĂ©ritĂ©s pour tous. [
] Pourquoi la VĂ©ritĂ© sortirait-elle de la bouche des hommes ? » lignes 28-30 Cette stĂ©rĂ©otypisation des contenus enseignĂ©s est donc pour Annie Leclerc une rĂ©gression de la sociĂ©tĂ© elle conduit Ă  l’impermĂ©abilitĂ©, Ă  l’uniformitĂ©, Ă  la stagnation du savoir. Bien plus, cette exclusion des femmes du champ de la visibilitĂ© culturelle lĂ©gitime l’enseignement et la transmission de savoirs figĂ©s Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche » et sert implicitement de justification Ă  tous les discours misogynes. La sous-reprĂ©sentation des femmes dans les contenus enseignĂ©s est d’abord le problĂšme d’une sociĂ©tĂ© qui refuse, au nom de l’universalisme Ă©galitaire, le respect des diffĂ©rences paradoxalement, la violence de genre est favorisĂ©e par l’institution qui, en vĂ©hiculant une certaine idĂ©e de la norme, contribue Ă  figer des modĂšles de comportement rĂ©sultant de processus de socialisation discriminatoires. Plus largement, l’idĂ©al civilisationnel issu des LumiĂšres Universalisme, intĂ©gration des cultures, assimilation, entraĂźne le refus du mĂ©tissage culturel, au nom d’une norme assimilationniste et universaliste Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants, fut nourri, gavĂ©, de son produit de base, la vĂ©ritĂ© et ses sous-produits, Ăąme, raison, valeurs
 Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel. lignes 26-28 Dans ce passage, le refus des particularismes ethniques Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants » relĂšve de la mĂȘme logique que le refus d’admettre une parole de femme », Ă  savoir l’inclusion du singulier non dans la pluralitĂ©, mais dans son unicitĂ© discriminante, garante de la raison universelle » Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel ». Toute la question pour Annie Leclerc est de se demander si les hommes prennent vraiment en compte la communication vĂ©ritable, la parole rĂ©elle ? En ce sens, comme nous le verrons dans notre troisiĂšme partie, guider vers la vĂ©ritĂ© ne relĂšve-t-il pas davantage d’un cheminement intĂ©rieur, d’un travail de rĂ©flexion et de questionnement, que de l’imposition d’une parole aussi unique qu’imperturbable ? De fait, aveuglĂ©s par leur idĂ©al d’universalitĂ©, par l’idĂ©ologie de la performance, du tout communiquant », d’une parole sans limites et omnipotente [qui a le caractĂšre de la toute-puissance], les hommes ont oubliĂ© le sens de l’échange vĂ©ritable. Ainsi utilisent-t-ils bien souvent le discours Ă  vide. Or, parler juste pour parler dans les gros livres sages des bibliothĂšques », au Capitole », au temple », Ă  la tribune », ou dans les lois » lignes 14-15, n’est-ce pas passer Ă  cĂŽtĂ© de l’essentiel nous amener Ă  un vĂ©ritable enseignement, nous faire rĂ©flĂ©chir Ă  la vie en gĂ©nĂ©ral ou nous apprendre quelque chose sur nous-mĂȘme ? De ce constat dĂ©coulent trois consĂ©quences directes PremiĂšrement, rĂ©aliser que les discours dominants jusqu’à prĂ©sent, notamment en matiĂšre de culture, relĂšvent d’une perception masculine qui s’est prĂ©tendue universelle et qui conduit au dogmatisme il s’agit donc de sortir de l’illusion de l’universalisme du discours masculin. Par ailleurs, si les diffĂ©rences entre hommes et femmes relĂšvent, comme nous l’avons vu, d’une construction socioculturelle, il est dĂšs lors nĂ©cessaire de rĂ©inventer la femme », c’est-Ă -dire de revendiquer une Ă©criture femme » permettant de sortir des dualismes Ă©troits influencĂ©s par une conception normative de l’écriture comprenons que pour Annie Leclerc, l’universel ne se dĂ©crĂšte pas, il se construit dans la relation, entraĂźnant ainsi une modification radicale des conceptions symboliques liĂ©es au rapport entre masculin et fĂ©mininÂł ; Enfin changer les reprĂ©sentations Ă  l’égard des femmes en lĂ©gitimant la perspective diffĂ©rentialiste, seule apte Ă  mettre en question les reprĂ©sentations symboliques et culturelles. En pointant la relativitĂ© des discours masculins qui se percevaient pourtant comme universels, Annie Leclerc se prĂ©occupe donc de revaloriser tout ce qui s’attache traditionnellement au fĂ©minin, et qui lui semble prĂ©cieux non seulement pour les femmes mais pour la sociĂ©tĂ© tout entiĂšre, que de s’emparer des prĂ©rogatives des hommes » source Car Les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre », ligne 16. Comme nous le voyons, Ă  la diffĂ©rence de Simone de Beauvoir cf. Le DeuxiĂšme Sexe, avec sa tendance Ă©galitariste » et universaliste » visant Ă  l’abolition de la diffĂ©rences des sexes, le courant diffĂ©rentialiste » dont l’extrait est trĂšs reprĂ©sentatif, vise Ă  dĂ©fendre la fĂ©minitĂ© » de la femme. Annie Leclerc reprochait en effet Ă  Simone de Beauvoir son adhĂ©sion excessive aux valeurs masculines ». Dans le texte au contraire, l’auteure s’adresse aux femmes et les incite Ă  revendiquer leur fĂ©minitĂ©. Elle laisse entendre en effet que le fĂ©minisme est une idĂ©e d’origine masculine qui renie la fĂ©minitĂ© elle-mĂȘme. Elle souligne ainsi que la dĂ©valorisation des tĂąches maternelles ou mĂ©nagĂšres dont le fĂ©minisme de l’époque se fait Ă©cho n’est en fait qu’un concept purement masculin source CNED AcadĂ©mie en ligne. Comme elle l’affirme, Ce n’est pas soigner sa maison, ou prendre soin de ses enfants qui est dĂ©gradant, non absolument pas mais c’est le regard que l’homme et la moitiĂ© de l’humanitĂ© regarde de haut, pire ne regarde mĂȘme pas ». VoilĂ  ce qui explique dans le texte la prĂ©sence de termes appartenant au champ lexical de l’univers domestique et intimiste Je voudrais que la femme apprenne Ă  naĂźtre, Ă  manger, et Ă  boire, Ă  regarder le jour et Ă  porter la nuit
 » Lignes 36-37 C’est pourquoi, si Annie Leclerc revendique certes la libertĂ© d’avoir accĂšs, autant qu’un homme, Ă  ce qui compte socialement, elle se mĂ©fie du pouvoir », car il rĂ©primerait la fĂ©minitĂ© mĂȘme de la femme en gommant les diffĂ©rences et en uniformisant les individus. Plus que d’affronter ouvertement l’ordre social, le fĂ©minisme de la diffĂ©rence » est une revendication de l’altĂ©ritĂ© de la femme et une reconnaissance de sa singularitĂ© par la parole. L’écriture fĂ©minine, en valorisant une identitĂ© sexuĂ©e, est donc une Ă©tape essentielle de l’identitĂ© fĂ©minine parce qu’elle permet de mettre en question l’universalisme, en tant qu’instrument de domination sociale. En accĂ©dant Ă  l’écriture, les femmes obligent ainsi le pseudo-universel Ă  avouer sa partialitĂ© fonder la domination masculine sous les traits hĂ©gĂ©moniques de l’universel masculin. _ B/ La nĂ©cessitĂ© d’une prise de conscience parole et identitĂ© fĂ©minine C ette double conquĂȘte de l’identitĂ© et de l’écriture est l’occasion pour la femme de s’établir comme sujet, de s’écrire autre que ne l’ont Ă©crite les hommes, non plus de l’extĂ©rieur mais de l’intĂ©rieur. Le corps fĂ©minin est, plus que le corps masculin, morcelĂ© dans la littĂ©rature masculine. Le corps senti, et non pas vu, reconquiert ainsi dans le texte son unitĂ© » source cela signifie se dĂ©gager des stĂ©rĂ©otypes romanesques qui voient dans la femme un bel objet » de littĂ©rature. Pour Annie Leclerc, l’écriture est donc le lieu d’une reconquĂȘte par la femme de son propre corps regarder le jour
 porter la nuit », signifie que la femme peut partir Ă  la dĂ©couverte d’elle-mĂȘme, Ă  la reconquĂȘte de son corps et de son dĂ©sir d’affirmer ce qu’elle pense vraiment. La conquĂȘte d’une parole de femme, c’est-Ă -dire d’une Ă©criture fĂ©minine dans sa particularitĂ© et sa spĂ©cificitĂ© mĂȘmes, participe Ă  cette quĂȘte d’identitĂ©, quĂȘte humaniste d’un nouveau vivre ensemble. Il faut donc une prise de conscience » par la femme de son apport Ă  la crĂ©ation littĂ©raire ; l’écriture devient un moyen lĂ©gitime de se distinguer des hommes et de rĂ©inventer une culture permettant aux femmes de changer le monde La VĂ©ritĂ© peut sortir de n’importe oĂč. Pourvu que certains parlent et d’autres se taisent. La VĂ©ritĂ© n’existe que parce qu’elle opprime et rĂ©duit au silence ceux qui n’ont pas la parole. » lignes 31-32 Annie Leclerc, dans Je parlerai de moi 2004, qui est le dernier texte qu’elle Ă©crira avant sa mort, affirme J’ai Ă©crit ainsi Parole de femme. On ne savait pas oĂč le ranger est-ce un essai ? Est-ce de la philosophie ? Est-ce de la poĂ©sie ? C’est tout cela, et ça m’est bien Ă©gal qu’on ne sache pas le ranger. [
] À ma maniĂšre, je m’occupe de tout ce qui a Ă©tĂ© passĂ© sous silence, et les plus grands font cela je suis un peu prĂ©tentieuse !
 La premiĂšre injonction faite aux femmes est tais-toi. Occupe-toi des enfants, de les amener Ă  l’ñge adulte, surtout de faire des petits garçons, de fabriquer des soldats. Occupe-toi de les mettre au monde, de les nourrir, de les Ă©duquer dans le bon sens, et tais-toi. C’est pourquoi j’avais appelĂ© mon livre Parole de femme, car la premiĂšre subversion des femmes, peut-ĂȘtre la plus importante, est la parole. [
] Alors, suffit ! Il faut qu’elles disent ce qu’elles en pensent, et ne se contentent pas [
] de se plaindre, de dire qu’elles n’ont pas la bonne part. Prendre la parole, c’est s’occuper de dire ce qu’on en pense ». Dire ce qu’on en pense » selon les termes d’Annie Leclerc, c’est donc dĂ©fendre le fĂ©minin » en Ă©criture [
] par l’imposition sur la scĂšne littĂ©raire du droit des femmes Ă  symboliser ce qui leur a toujours Ă©tĂ© interdit par les hommes »⁎ la parole. Comme le note trĂšs remarquablement BĂ©atrice Slama, Pour une femme, Ă©crire a toujours Ă©tĂ© subversif elle sort ainsi de la condition qui lui est faite et entre comme par effraction dans un domaine qui lui est interdit. La LittĂ©rature est aventure de l’esprit, de l’universel, de l’Homme de l’homme. C’est affaire de talent et de gĂ©nie, donc ce n’est pas une affaire de femme. [
] On leur a longtemps fixĂ© des limites, concĂ©dĂ© des territoires la lettre-conversation et le roman fĂ©minin, la plainte de la mal mariĂ©e et la chronique du quotidien, les dĂ©licatesses du cƓur et les dĂ©chirures de la passion. On a voulu y voir des ouvrages de dames ». Quand des femmes sont sorties de ces limites et de ces territoires, quand il a fallu leur reconnaĂźtre talent et gĂ©nie, on a cherchĂ© la paternitĂ© » de leurs Ɠuvres l’amant, l’ami, le conseiller ou admirĂ©, leur mĂąle pensĂ©e » antennes qui vibrent aux idĂ©es d’autrui » ou femmes hommes » femmes par le cƓur, hommes par le cerveau »⁔. Écrire s’apparente donc Ă  une conquĂȘte de l’identitĂ©. Il y a une claire revendication politique et sociale, et surtout une revendication identitaire l’écriture fĂ©minine comme stratĂ©gie de libĂ©ration. En devenant sujet, la femme passe Ă  l’Histoire et participe Ă  la mĂ©moire collective. Ainsi l’écriture incarne-t-elle pour Annie Leclerc la revendication des valeurs fĂ©minines. En se dĂ©partissant de plus en plus de l’arrogance machiste traditionnelle pour repenser le sens du lien social, cette parole de femme », fortement ancrĂ©e dans l’affectivitĂ© et l’attention Ă  autrui, dĂ©place les frontiĂšres Ă©tablies entre les sphĂšres privĂ©e et publique. En fait, il faut comprendre que le texte d’Annie Leclerc pose ici, bien avant la lettre, les fondements d’une Ă©thique fĂ©ministe —le care— comme l’attention, le souci, la responsabilitĂ©, les sentiments et les Ă©motions. Mais ne nous y trompons pas il ne faudrait pas interprĂ©ter le texte comme un retour de valeurs fĂ©minines de maternage dans la sociĂ©tĂ© ! Il ne s’agit en rien d’une dĂ©valorisation, bien au contraire la volontĂ© d’utiliser la fĂ©minitĂ© assigne Ă  la perception du particulier et aux sentiments moraux une importance dĂ©cisive dans l’agir moral »⁶. Le care » comme Ă©thique fĂ©ministe Care en Anglais signifie prendre soin, Ă©prouver de l’attention envers autrui. Ce terme est Ă  l’origine d’un courant de pensĂ©e qu’on dĂ©signe souvent sous le nom d’éthique du care, c’est-Ă -dire la volontĂ© d’inclure dans les discours rationnels » masculins, un discours plus spĂ©cifiquement fĂ©minin valorisant la sensibilitĂ©, l’attention portĂ©e aux individus et au particulier. Une idĂ©e essentielle du Care touche Ă  la mise en question de l’universalisme et Ă  la revendication d’une spĂ©cificitĂ© fĂ©minine. Plus prĂšs de nous, la psychologue Carol Gilligan a publiĂ© un best-seller intitulĂ© In a Different Voice Flammarion, 1986 dans lequel elle revendique que les femmes ont une vision diffĂ©rente des choses, apte Ă  repenser le politique. À n’en pas douter, la pensĂ©e d’Annie Leclerc a grandement contribuĂ© Ă  ces nouveaux questionnements. Au modĂšle Ă©gocentrique du machisme tournĂ© vers la performance Les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre », domine un autre modĂšle apte Ă  repenser la sociabilitĂ© celui du moi en relation avec les autres, Ă©criture de rencontre et de partage, Ă©criture sublimĂ©e qui confĂšre aux mots un pouvoir et une puissance extrĂȘmes. Pour dĂ©noncer la violence des hommes, Annie Leclerc conjugue en effet l’intensitĂ© d’un langage souvent transgressif et la pudeur d’une prose intimiste, proprement fĂ©minine, oĂč sont remis en cause l’organisation rationnelle et le clivage entre le rĂ©el et le surnaturel, la raison et l’imaginaire »⁷ ; Ă©criture permettant ainsi un passage frĂ©quent du discours polĂ©mique au dĂ©voilement poĂ©tique. – 3 LA DIMENSION POÉTIQUE DU TEXTE A/ Une revendication qui passe par le langage poĂ©tique Le passage prĂ©sentĂ© met fortement l’accent sur la fonction poĂ©tique du langage. La tonalitĂ© lyrique, aisĂ©ment reconnaissable Ă  la prĂ©sence personnelle de l’auteure et Ă  l’émotion qu’elle veut communiquer Ă  ses lecteurs, sert la visĂ©e argumentative du texte. Le registre lyrique est associĂ© comme nous l’avons vu Ă  une forte tonalitĂ© oratoire, apte Ă  toucher et Ă  sensibiliser ampleur de la phrase, choix Ă©vocateur des images. Ce qu’on peut noter de prime abord, c’est combien l’accent est mis sur le caractĂšre spontanĂ© », direct », prosaĂŻque, ordinaire de cette parole de femme » point de mots grandiloquents issus des livres sages des bibliothĂšques ». On a davantage l’impression que l’auteure Ă©crit, simplement et pudiquement, Ă  la premiĂšre personne, pour se faire entendre d’un destinataire absent. L’écrit ressemblerait presque Ă  une confession, proche parfois du journal intime, du monologue intĂ©rieur Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas mĂȘme moi, surtout pas moi. » lignes 1-2 ; C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste » ligne 8. De fait, le texte peut se lire comme un long poĂšme en prose. De nombreux passages par exemple sont traversĂ©s par un projet d’autobiographie ou du moins de biographie Ă©crite qui confĂšre aux phrases une tonalitĂ© trĂšs intimiste, presque confidentielle. Ainsi que nous l’avons notĂ©, l’emploi du pronom personnel Je confĂšre une autoritĂ© et une authenticitĂ© aux paroles prononcĂ©es C’est une folie, j’en conviens »  Je voudrais que la femme apprenne
 ». À ce titre, on peut rappeler la forte modalisation du discours que nous Ă©voquions dans notre premiĂšre partie Annie Leclerc rĂ©vĂšle souvent dans son Ă©noncĂ© son point de vue, c’est-Ă -dire ses prĂ©fĂ©rences, ses opinions, ses sentiments, ses sensations. L’énoncĂ© contient alors des traces, des indices de cette subjectivitĂ©, ce qui accentue le caractĂšre personnel et lyrique du texte procĂ©dĂ©s lexicaux verbes d’opinion associĂ©s Ă  l’amplification et Ă  l’exagĂ©ration m’ont rĂ©duite au silence
 m’ont forcĂ©e Ă  me taire », adjectifs d’intensitĂ© bĂȘtes, mensongĂšres et oppressives » notez la gradation ternaire ; procĂ©dĂ©s grammaticaux conditionnel Je voudrais », tournures interrogatives oratoires ; procĂ©dĂ©s stylistiques hyperboles le monde est la parole de l’homme », mĂ©taphores Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants, fut nourri, gavĂ©, de son produit de base, la vĂ©ritĂ© et ses sous-produits, Ăąme, raison, valeurs
 Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel », antiphrases grands parleurs », ces superbes parleurs », jeux de mots Une grande femme ne saurait ĂȘtre un grand homme », Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme », etc. Ces marques de modalisation renforcent donc l’intensitĂ© des sentiments. La langue, trĂšs recherchĂ©e malgrĂ© l’apparente simplicitĂ© est souple, ondulante, sonore Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-lĂ  peut bien se fĂącher, elle rĂ©pĂšte. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dĂ©rober Ă  cette urgence extraordinaire inventer la femme. C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste. lignes 5-8 Qui parle ici ? Qui a jamais parlĂ© ? Assourdissant tumulte des grandes voix ; pas une n’est de femme. Je n’ai pas oubliĂ© le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche
 » lignes 9-11 Dans ces passages oĂč se conjuguent autobiographie, philosophie et poĂ©sie, Annie Leclerc emploie un style particuliĂšrement ample cf. plus particuliĂšrement le et » emphatique soulignĂ© en gras qui permet au lecteur d’entrer dans la subjectivitĂ© de l’auteure, d’en ressentir les doutes, les passions, la colĂšre, les dĂ©sirs. Je voudrais que la femme apprenne Ă  naĂźtre, Ă  manger, et Ă  boire, Ă  regarder le jour et Ă  porter la nuit
 Notez l’organisation rythmique de la phrase, presque musicale, construite pour mettre en valeur le lyrisme des images et les connotations des mots le mĂ©lange des termes prosaĂŻques —manger, boire— et des mots poĂ©tiques, rattache la femme au maternel et au temps —naĂźtre, jour, nuit— affamĂ©e et assoiffĂ©e de renouveau manger », boire », c’est elle qui donne le jour et qui porte » la nuit comme si elle portait le monde. Ces derniĂšres images, empreintes d’un profond symbolisme, expriment des sentiments qui ont Ă  la fois une dĂ©notation propre apprenne Ă  naĂźtre » = se dĂ©barrasser des prĂ©jugĂ©s mais surtout un signifiĂ© de connotation qui place la femme, par mĂ©taphore », au sein d’un conditionnel de rĂȘve —je voudrais— puisqu’il s’agit d’inventer une parole Ă©troitement associĂ©e Ă  un renouveau humaniste. La dimension poĂ©tique du passage, en constituant une place Ă  l’intime, n’amĂšne pas seulement Ă  faire entendre une parole de femme rĂ©fractaire Ă  l’universalisation des savoirs, mais Ă  faire vibrer dans toute sa plĂ©nitude le fĂ©minin dont il s’agit plus fondamentalement de reconnaĂźtre la fonction Ă©thique et sociale. Cette prise de conscience d’une identitĂ© fĂ©minine revendique en effet la recherche d’un nouveau sens, qui prend les dimensions d’une urgence extraordinaire » Inventer, est-ce possible ? » Avec poĂ©sie et sensibilitĂ©, Annie Leclerc s’attache donc Ă  exprimer les nuances multiples de l’identitĂ© fĂ©minine par un discours qui passe frĂ©quemment par la rencontre de la femme avec sa propre intimitĂ© qui est aussi sa plus intime altĂ©ritĂ© apprendre Ă  se regarder autrement. Si la parole des femmes peut rendre le monde plus lisible, c’est en se constituant comme l’indicible point d’intersection oĂč se nouent en elle le moi le plus intime l’intimitĂ© d’une femme, sa propre intimitĂ© et les exigences les plus universalistes Ă  la fois journal intime et journal extime, rĂ©quisitoire et plaidoyer, Ă©criture profonde et spontanĂ©e, Ă  l’écoute de la plus secrĂšte intĂ©rioritĂ© mais aussi des bruits du monde. En fait, la dimension poĂ©tique que nous notions, en constituant une place Ă  l’intime, ne consiste pas seulement Ă  faire entendre une parole de femme rĂ©fractaire Ă  l’universalisation des savoirs, mais Ă  faire vibrer dans toute sa plĂ©nitude le fĂ©minin dont il s’agit de reconnaĂźtre la fonction Ă©thique et sociale voir plus haut Le care »comme Ă©thique fĂ©ministe dans la quĂȘte du sens comme en tĂ©moigne cet autre passage de l’essai d’Annie Leclerc Un jour peut-ĂȘtre, ce sera la FĂȘte. Nous serons ensemble et confondus. Les taquineries, les caresses et les rires feront la ronde des vieillards aux enfants, des enfants aux adultes, des filles aux garçons, et de tous Ă  tous. Les bouches fraĂźches baiseront les joues fanĂ©es. Les bras rhumatisants et lourds entoureront les vigoureuses Ă©paules. Et nous partagerons les fruits, le lait de nos labeurs. – B/ Un hymne Ă  la vie P our Annie Leclerc, ce dont les femmes ont Ă©tĂ© intimement le plus privĂ©es, c’est de la vie elle-mĂȘme la vie n’est pas constituĂ©e de rĂ©ponses toutes faites, simplificatrices et dogmatiques, elle est le fruit d’un cogito hermĂ©neutique qui amĂšne consĂ©quemment Ă  se chercher et Ă  essayer de se comprendre dans l’acte d’écriture. Il n’est que de songer Ă  cet autre extrait de Parole de femme, dans lequel l’auteure affirme Que je dise d’abord, d’oĂč je tiens ce que je dis. Je le tiens de moi, femme, et de mon ventre de femme. Car c’est bien dans mon ventre que cela dĂ©buta, par de petits signes lĂ©gers, Ă  peine audibles lorsque je fus enceinte. Et je me suis mis Ă  l’écoute de cette voix timide qui poussait, heureuse, Ă©merveillĂ©e, en moi. Et j’entendis une parole extraordinaire [
] » Si la parole est ainsi au centre de la thĂ©orie fĂ©ministe, c’est qu’elle est l’expression du corps, Ă  la fois comme lieu d’une parole renouvelĂ©e et comme mĂ©taphore Ă  la venue Ă  l’écriture au fĂ©minin [
]. [L]’écriture fĂ©minine se veut crĂ©ation, exhortation Ă  la crĂ©ation, traversĂ©e de la chape de plomb du discours dominant, de la culture aux mains des hommes, et invention de langage, exploration d’un style autre, d’une autre voiex »⁞. Ces trĂšs riches remarques de Patricia Godi-Tkatchouk montrent bien que pour les femmes, la parole est comme une naissance Ă  soi-mĂȘme, une façon d’apprendre Ă  vivre. Paradoxalement, la survalorisation des flux de paroles comme fin en soi, qui imprĂšgne la culture masculine dominante, a dĂ©personnalisĂ© les rapports humains. Comme nous le comprenons, l’un des dangers est que l’échange ne se fasse plus par le langage, par la parole, mais par la force et l’arbitraire qui s’attribuent par le moyen des mots, un statut de fin. Dans un autre passage de Parole de femme, Annie Leclerc Ă©voque l’harmonie de nos rimes », c’est-Ă -dire la pure expression du besoin de s’exprimer, de rompre le silence, de franchir des barriĂšres de langage, levĂ©es des censures sur le corps, donc des jouissances et ses douleurs, le dĂ©sir [
], l’accouchement ; le rapport Ă  la mĂšre ; Ă  la nourriture ; l’enfermement et le dĂ©sir paniquĂ© de sorties et d’envol, rĂȘves de naissances et de traversĂ©es »âč. L’extrait Ă©tudiĂ© est caractĂ©ristique de cette quĂȘte poĂ©tique et symbolique questionner le mystĂšre infini de la vie, voilĂ  le sens de la parole pour Annie Leclerc. Le registre Ă©motionnel et intimiste sur lequel se clĂŽt le passage, presque Ă©crit sur une veine confessionnelle, peut donc se lire comme une invitation jubilatoire faite Ă  la femme d’assumer sa propre sensibilitĂ©, mais Ă©galement sa fĂ©minitĂ© » porter la nuit » comme une femme porte un enfant », n’est-ce pas servir la cause mĂȘme de la vie ? N’est-ce pas s’affirmer comme sujet ? Cette derniĂšre image qui est comme une revendication de sa fĂ©minitĂ© par la femme, emmĂšne le lecteur dans un voyage au cƓur des mots, oĂč la parole fait vivre la libertĂ© d’imaginer et de crĂ©er, oĂč la voix s’exprime dans un jeu d’ombres et de lumiĂšre regarder le jour
 porter la nuit
 ». Images profondĂ©ment lyriques et poĂ©tiques assez improbables
 Annie Leclerc est d’ailleurs consciente de l’immensitĂ© de la tĂąche qui exige de ne pas enfermer la femme dans un concept clos. La fin du texte rĂ©sonne en effet comme un appel. La vĂ©ritable culture est celle de la nature et de la vie mĂȘmes, oĂč les mots n’ont pas l’air de se faire la guerre ». Apprendre Ă  naĂźtre, Ă  manger, et Ă  boire, Ă  regarder le jour et Ă  porter la nuit », c’est pour la femme renaĂźtre au monde dans l’acte de la communion du monde, qui est aussi une connaissance du monde » il faut apprendre Ă  naĂźtre », tant il est vrai que toute connaissance est une nouvelle naissance. NaĂźtre Ă  soi-mĂȘme par l’écriture, pour mieux ĂȘtre Ă  soi-mĂȘme, n’est-ce pas lĂ  le message du texte ? Le fĂ©minisme d’Annie Leclerc se conjugue ainsi avec un humanisme Ă  rĂ©inventer. – CONCLUSION Les propos d’Annie Leclerc dans ce passage de Parole de femme se situent sur deux registres celui de la revendication militante et fĂ©ministe ; et celui du sensible, de l’intime, du lyrisme personnel. Son inspiration, qui puise aux sources du corps et de l’expĂ©rience fĂ©minine, explore ainsi les paramĂštres d’une Ă©criture-femme, pleinement assumĂ©e, qui caresse l’énigme d’un moi fĂ©minin, intĂ©grĂ© Ă  une nouvelle maniĂšre de penser, invalidĂ©e du rĂ©fĂ©rent masculin. Cette Ă©criture s’impose ainsi comme une vĂ©ritable stratĂ©gie de libĂ©ration, qui s’apparente Ă  une revendication identitaire Ă©crire, c’est exister. S’assimiler Ă  la culture des hommes, c’est prĂ©cisĂ©ment ne pas prendre la parole. L’attachement d’Annie Leclerc Ă  une parole de femme » est donc comme la cĂ©lĂ©bration d’une nouvelle naissance amenant la femme Ă  naĂźtre Ă  elle-mĂȘme. Mais le rĂŽle de cette parole de femme est aussi de tĂ©moigner de l’invisible, de celles qui se taisent » tandis que certains parlent ». À cet Ă©gard, le texte n’est-il pas aussi une rĂ©ponse Ă  un monde qui ne sait plus communiquer, et dont les bruits incessants ne sont que d’inutiles paroles ? Ainsi, le fĂ©minisme doit-il ĂȘtre conçu non comme une revendication catĂ©gorielle, mais comme un bouleversement des valeurs qui gouvernent la sociĂ©tĂ© inventer, est-ce possible » ? À n’en pas douter, inventer la femme consiste Ă  rĂ©inventer l’homme en construisant un monde plus Ă©quitable, apte Ă  promouvoir des changements significatifs et Ă  repenser les enjeux du pouvoir. En ce sens le fĂ©minisme est posĂ© comme une condition essentielle d’un nouvel humanisme, c’est-Ă -dire d’une nouvelle idĂ©e de l’homme et de la femme
 Copyright © mars 2016, Bruno Rigolt. DerniĂšre rĂ©vision du texte lundi 28 mars 2016 1721 Netiquette comme pour l’ensemble des textes publiĂ©s dans l’Espace PĂ©dagogique Contributif, cet article est protĂ©gĂ© par copyright. Ils est mis Ă  disposition des internautes selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification France. La diffusion publique est autorisĂ©e sous rĂ©serve de mentionner le nom de l’auteur ainsi que la rĂ©fĂ©rence complĂšte de l’article citĂ© URL de la page. NOTES 1. Anna Rita Iezzi, La PensĂ©e en narrations diffĂ©rence sexuelle et poĂ©tique de la relation chez Nancy Huston, ThĂšse de doctorat sous la direction de Nadia Setti, UniversitĂ© de Paris 8—Vincennes-Saint-Denis Centre d’Études fĂ©minines et d’Études de genre, page 149. 2. Aline Mura-Brunel, Le pouvoir infini de l’infime », in Stella Harvey and Kate Ince, Duras, Femme du SiĂšcle papers from the first international conference of the SociĂ©tĂ© Marguerite Duras, held at the Institut français, London, 5-6 February 1999, page 49. 3. Cf. ces trĂšs intĂ©ressants propos d’Ida Dominijanni GrĂące Ă  l’expĂ©rience fĂ©minine, nous savons en effet que l’oppression dont les femmes souffrent dĂ©pend moins des conditions matĂ©rielles et juridiques de leur existence sociale que de leur position dans l’ordre symbolique qui nous traite comme un objet et non un sujet du dĂ©sir et du langage. Une femme n’est pas libre quand elle ne peut pas se penser et se dire libre ; et elle ne peut pas se penser et se dire libre tant que sa mesure reste la mesure phallocentrique de l’autre [
] ». Ida Dominijanni, Politique du symbolique et libertĂ© des femmes » In Christiane Veauvy, Les Femmes dans l’espace public. ItinĂ©raires français et italiens, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris/Le fil d’Ariane UniversitĂ© -Paris 8, Saint-Denis, 2004. Page 198. 4. Delphine Naudier, L’écriture-femme, une innovation esthĂ©tique emblĂ©matique », SociĂ©tĂ©s contemporaines, 2001/4, n° 44, pp. 57-73. 5. BĂ©atrice Slama, De la littĂ©rature fĂ©minine » Ă  l’écrire-femme » diffĂ©rence et institution », LittĂ©rature, annĂ©e 1981, volume 44, n°4 pp. 51-71. 6. Marie Garrau, Alice le Goff, Care, justice et dĂ©pendance Introduction aux thĂ©ories du care, Philosophies », PUF Paris 2015. Pour accĂ©der Ă  la citation, cliquez ici. 7. StĂ©phanie Traver, CrĂ©ation au fĂ©minin, MontrĂ©al 1998. 8. Patricia Godi-Tkatchouk, Voiesx de l’Autre PoĂšte femmes XIXe-XXIe siĂšcles, Actes du colloque LittĂ©ratures, UniversitĂ© de Clermont-Ferrand/Presses Universitaires Blaise Pascal, 2010. Page 21. 9. Françoise van Rossum-Guyon, Le CƓur critique Butor, Simon, Kristeva, Cixous, Amsterdam, Éditions Rodopi 1997, page 158. → Voir aussi Jean-NoĂ«l Jeanneney, GrĂ©goire Kauffmann sous la direction de, Annie Leclerc, Parole de femme » in Les Rebelles, Une anthologie, Paris, Le Monde/CNRS Éditions, 2014. SxlXq.
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